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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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historiques pour refuser une pareille invitation. L’ambassadeur d’Espagne convint que la manifestation était une affaire de parti et pas un événement national, mais se garda de révéler ses intentions.
    Dodd apprit cependant qu’il avait finalement envoyé ses regrets, de même que les ambassadeurs de France et de Grande-Bretagne, chacun invoquant un engagement prioritaire d’une espèce ou d’une autre.
    Officiellement, le Département d’État appuya la circonspection de Dodd ; en privé, sa décision déplut à un certain nombre de hauts fonctionnaires, dont le sous-secrétaire Phillips et le chef des Affaires de l’Europe occidentale, Jay Pierrepont Moffat. Ils considéraient la décision de Dodd comme inutilement provocante, une preuve supplémentaire que sa nomination au poste d’ambassadeur avait été une erreur. Au sein du département, les forces opposées à Dodd commençaient à fusionner.

12
    B RUTUS
    À  la fin août, le président Hindenburg fut enfin de retour à Berlin après sa convalescence dans sa propriété. Le mercredi 30 août 1933, Dodd revêtit donc le frac protocolaire aux basques arrondies, un haut-de-forme et se rendit en voiture au palais présidentiel pour présenter ses lettres de créance.
    Le président était grand et fort, avec une énorme moustache blanc gris qui se retroussait en deux ailes duveteuses. Le col de son uniforme était haut et raide, sa tunique bardée de médailles, dont plusieurs présentaient des étoiles étincelantes de la taille d’une décoration d’arbre de Noël. Surtout, il donnait une impression de force et de virilité qui démentait ses quatre-vingt-cinq ans. Hitler était absent, de même que Goebbels et Göring, tous probablement occupés par les préparatifs pour le rassemblement du Parti qui devait commencer deux jours plus tard.
    Dodd lut une brève déclaration qui mettait l’accent sur sa sympathie pour le peuple allemand, et l’histoire et la culture de la nation. Il ne fit aucune allusion au gouvernement, laissant ainsi entendre qu’il n’éprouvait pas la même sympathie pour le régime d’Hitler. Pendant les quinze minutes suivantes, il resta assis avec « Le Vieux Monsieur » sur le « divan préféré » et ils s’entretinrent de toute une série de sujets, allant de l’expérience universitaire de Dodd à Leipzig aux dangers du nationalisme économique. Hindenburg, nota Dodd dans son journal plus tard, « souligna si ostensiblement l’importance des relations internationales que je songeai qu’il exprimait ainsi une critique indirecte des extrémistes nazis ». Dodd présenta les principaux fonctionnaires de l’ambassade, puis ils quittèrent tous l’immeuble pour retrouver les soldats de l’armée régulière, la Reichswehr, bordant les deux côtés de la rue.
    Cette fois, Dodd ne rentra pas chez lui à pied. Comme les automobiles de l’ambassade démarraient, les soldats se mirent au garde-à-vous. « La cérémonie était finie  1 , écrivit Dodd, et j’étais enfin un représentant dûment intronisé des États-Unis à Berlin. » Deux jours plus tard, il se trouva confronté à sa première crise officielle.
     
    Le matin du 1 er  septembre 1933, un vendredi, H.V. Kaltenborn, le chroniqueur radio américain, téléphona au consul général Messersmith pour lui faire savoir combien il regrettait de ne pouvoir passer le voir une dernière fois, car sa famille et lui avaient fini leur tournée en Europe et s’apprêtaient à rentrer. Le train les transportant au bateau partait à minuit.
    Il confia à Messersmith qu’il n’avait toujours rien vu qui confirme les critiques du consul à l’égard de l’Allemagne et l’accusait de « faire beaucoup de tort  2  en ne présentant pas une image fidèle de l’Allemagne ».
    Peu après avoir passé cet appel, Kaltenborn et sa famille – sa femme, son fils et sa fille – quittèrent leur hôtel, l’Adlon, pour faire quelques emplettes de dernière minute. Rolf, son fils, avait seize ans à l’époque. Mme Kaltenborn tenait beaucoup à se rendre chez les bijoutiers et les orfèvres d’Unter den Linden, mais l’excursion les entraîna sept rues plus loin vers le sud jusqu’à Leipzigerstrasse, une artère est-ouest animée, encombrée de voitures et de trams et bordée de beaux immeubles et d’une myriade de boutiques vendant des bronzes, des porcelaines de Dresde, des soies, des articles en cuir et à peu près tout ce

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