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Dans le jardin de la bête

Dans le jardin de la bête

Titel: Dans le jardin de la bête Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Erik LARSON
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exhibée dans les rues de Nuremberg uniquement parce qu’elle voulait épouser un Juif ? »
    Goebbels sourit  6 . Cela transformait complètement son visage, et le résultat n’était ni agréable ni séduisant. Plusieurs dans la salle avaient fait l’expérience de ce sourire. Il était bizarre de voir à quel point les muscles de la moitié inférieure de son visage étaient impliqués dans la production de son sourire et combien son expression pouvait en être brusquement transformée.
    « Laissez-moi vous expliquer comment une telle chose peut parfois arriver, déclara Goebbels. Durant les douze années de la république de Weimar, notre peuple était pratiquement en prison. Maintenant, notre parti dirige le pays et le peuple est de nouveau libre. Quand un homme a été emprisonné pendant douze ans et qu’il retrouve brusquement la liberté, dans sa joie, il peut commettre des choses irrationnelles, peut-être même brutales. Cela n’est-il pas imaginable dans votre pays également ? »
    Ebbutt, d’une voix posée, nota une différence fondamentale dans la façon dont l’Angleterre aborderait un tel scénario. « Si tel était le cas, affirma-t-il, l’homme retournerait immédiatement en prison. »
    Les États-Unis ne publièrent aucune protestation officielle après l’incident. Néanmoins, un émissaire allemand des Affaires étrangères présenta des excuses à Martha. Il minimisa l’affaire en parlant d’un incident isolé, qui serait sévèrement puni. Martha était disposée à accepter ce point de vue. Elle restait fascinée par la vie dans l’Allemagne nouvelle. Dans une lettre à Thornton Wilder, elle en rajoutait : « Les jeunes ont le visage éclatant  7  et plein d’espoir, ils chantent pour le noble fantôme de Horst Wessel avec des yeux brillants et une langue sûre. Quels beaux gars équilibrés, ces Allemands, bons, sincères, sains, d’une brutalité mystique, des types bien, pleins d’optimisme, prêts à la mort et à l’amour, profonds, des êtres riches, merveilleux et étranges – tous ces jeunes de l’Allemagne moderne de la Hakenkreuz . »
     
    Dans la journée, Dodd reçut une invitation du ministère allemand des Affaires étrangères pour assister au prochain défilé du Parti à Nuremberg, prévu le 1 er  septembre. L’invitation le perturba.
    Il connaissait par ses lectures le goût des nazis pour ces démonstrations élaborées de force et d’énergie, et il les considérait non comme des événements officiels émanant de l’État mais comme une affaire de parti qui n’avait rien à voir avec les relations internationales. Il ne pouvait s’imaginer assister à une telle manifestation, pas plus qu’il ne pouvait concevoir la présence de l’ambassadeur allemand aux États-Unis à une convention républicaine ou démocrate. En outre, il craignait que Goebbels et son ministère de la Propagande ne récupèrent sa présence en la faisant passer pour une adhésion aux idées et au comportement des nazis.
    Le mardi 22 août, Dodd câbla au Département d’État pour demander conseil. « J’ai reçu une réponse évasive »  8 , note-t-il dans son journal. Le département promettait de le soutenir quelle que soit sa décision. « Je résolus immédiatement de ne pas y aller, même si tous les autres ambassadeurs devaient s’y rendre. » Le samedi suivant, il notifia au ministère des Affaires étrangères allemand qu’il n’assisterait pas à la manifestation. « Je déclinai l’invitation au prétexte d’une surcharge de travail, bien que la principale raison fût que je désapprouvais une invitation du gouvernement à une manifestation d’un parti, remarqua-t-il. J’étais également certain que le comportement du groupe dominant serait embarrassant. »
    Une idée vint à Dodd : s’il pouvait persuader ses homologues, les ambassadeurs de Grande-Bretagne, d’Espagne et de France, de décliner également l’invitation, leur action conjointe enverrait un message puissant mais suffisamment indirect d’union et de désaveu.
    Dodd rencontra d’abord l’ambassadeur d’Espagne, une séance que Dodd décrivit comme « très agréablement non conventionnelle »  9  parce que l’Espagnol, comme lui-même, n’était pas encore accrédité. Malgré cela, ils évoquèrent la question avec précaution. « J’ai laissé entendre que je n’irais pas », rapporte Dodd. Il cita deux ou trois précédents

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