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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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du pays !
    Althoras lui dit qu’il avait consulté ses documents avec Isarn.
    — Il ne s’agit pas à Castelginaux d’un enlèvement qui visait Isarn ou votre troupe de brigands, protesta Aba. C’est plus compliqué.
    Il se tourna vers Isarn qui n’avait pas encore dit un mot, immobile, les mâchoires contractées.
    — Qui est véritablement cette fille qui a disparu ?
    Isarn fit un effort immense sur lui-même pour répondre :
    — Son nom est Agnès, dit-il d’une voix blanche. Elle a quinze ans. L’hiver de ses sept ans, des phénomènes ont commencé de lui arriver. Chaque vendredi, elle se plaignait de maux de tête. Des petits points rougeâtres sont apparus sur son front. Des gouttelettes de sang. Cela s’est aggravé par la suite ; après un an, le sang se déversait en abondance.
    — Les stigmates de la Sainte Couronne ! s’exclama Aba.
    Althoras acquiesça :
    — Oui. Mais, au-delà de ce prodige, c’est un autre miracle qui nous a le plus impressionnés : sur les linges que sa mère employait pour nettoyer cet étrange ruissellement de sang, nous découvrions, après coup, des sentences lisibles ! Le sang ne faisait pas des salissures informes, mais composait des mots, et ces mots, des phrases. Quelle que soit la matière du linge et le mouvement qu’on imprimait pour lui essuyer le front !
    Le père Aba était stupéfait.
    Althoras ouvrit une cassette et en tira des bandelettes de lin qu’il présenta au prêtre. Ce dernier déroula l’une d’elles. Isarn détourna les yeux pour ne pas les voir.
    Ce qu’avait dit le vieillard se révéla vrai : le sang, aujourd’hui noirci, formait des lettres parfaitement lisibles. En latin.
    Aba lut :
    La Loi ou les prophètes, je ne suis pas venu les abolir mais les accomplir
    Et, occupant deux linges :
    Lève-toi, parce que voilà que les ténèbres couvriront la terre, et une obscurité, les peuples ; mais sur toi se lèvera le Seigneur ; et sa gloire en toi se verra.
    Le prêtre maniait les bandelettes avec d’infinies précautions, fasciné.
    — Se peut-il que ce soient des faux ? demanda-t-il.
    — Qui aurait pu les fabriquer ? répondit Isarn. Personne ne parle le latin à Castelginaux, et certainement pas sa mère.
    — En existe-t-il d’autres ?
    Althoras haussa les épaules :
    — Nous en avons conservé plus d’une centaine ! Je les ai faits traduire : ce sont toujours des versets de la Bible. Impossible toutefois de les lier les uns aux autres ni de faire jaillir un sens caché derrière ces messages.
    Le père Aba se dit que ces brigands manquaient sans doute de personnes suffisamment lettrées pour déchiffrer le secret de fragments disparates de la Bible.
    — Où sont conservées ces bandelettes ? demanda-t-il.
    — En lieu sûr. Comme vous avec Perrot, nous avons voulu garder secret le prodige d’Agnès, redoutant que le clergé n’y voie quelques démoneries et ne l’en punisse. Mais, comme avec Perrot, notre défiance n’aura pas été suffisante…
    — Pourrais-je avoir accès à ces bandelettes ? s’empressa de demander Aba.
    — S’il s’avère que c’est là notre seule piste, nous vous les procurerons sans difficultés.
    — Agnès avait-elle d’autres facultés ? Des rêves prémonitoires ?
    Le vieillard secoua la tête.
    — La pauvre ne ressentait que les maux. Et voyait ses stigmates comme une horrible malédiction dont elle voulait se défaire.
    Aba remit les bandages dans leur boîte.
    — J’aurais préféré apprendre que ma fille avait été enlevée par nos ennemis, avoua Isarn. Au moins une rançon aurait pu la sauver. Mais à présent…
    — Nous manquons d’éléments, dit Althoras. La troupe s’est évanouie dans la nature. En une semaine, ils peuvent avoir emprunté n’importe quel chemin du royaume. Nos hommes contrôlent les péages de la région. Nul ne les a repérés. Sans doute les ravisseurs traversent-ils des domaines de seigneurs ou de monastères qui leur sont favorables.
    Le père Aba défit sa chaussure droite et sortit la pièce de gros tournoi d’argent qu’il dissimulait depuis Disard.
    — Après Cantimpré, dit-il, j’ai appris que la troupe a gîté dans une auberge de Disard et payé avec cette monnaie.
    Il voulut céder la pièce à Isarn afin qu’il puisse la voir, mais ce dernier lui indiqua de la donner plutôt à l’aveugle.
    Ce que fit Aba avec un peu de surprise.
    Althoras la glissa entre ses doigts. Ses mains osseuses,

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