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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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village, où se trouve-t-il ? Quel est son nom ?
    Isarn tourna la tête vers le vieillard. Celui-ci lui fit signe de répondre.
    — Ma famille était réfugiée à Castelginaux.
    Le père Aba demanda la permission de se saisir des documents qu’il gardait dans sa sacoche. Isarn le laissa faire et le prêtre déroula sa carte de la région. Castelginaux se situait à huit lieues au sud de Montauban ; ni les archives de Narbonne, ni les indications de Jeanne Quimpoix ne l’avaient identifié.
    Alors Aba demanda frontalement :
    — Vous êtes certain qu’il s’agit d’une vengeance à votre encontre ? Votre fille ?
    Il avança d’un pas :
    — Quel était son don ?
    Isarn blêmit. Pris de colère, il voulut se ruer vers Aba, mais le vieillard l’en empêcha d’un mot :
    — Assez !
    L’injonction suffit à stopper l’élan du chef des brigands. Il se rassit.
    — Approche, dit le vieil homme au père Aba.
    Le prêtre obéit. Il découvrit le visage ridé, la peau à la fois blafarde et vineuse de l’étrange personnage, ses yeux laiteux, ses oreilles pointues garnies de poils. Lui aussi exhibait des cicatrices de combats ou des séquelles de torture. Il était emmitouflé sous d’épaisses couvertures aux motifs orientaux.
    Aba n’osa pas lui demander qui il était.
    — Dis-nous ce que tu sais, marmonna l’aveugle à son intention.
    Mais le prêtre se braqua et répondit :
    — Je ne vous révélerai rien tant que vous ne m’aurez pas conduit à Castelginaux. Quelqu’un pourrait y avoir aperçu le garçon que je recherche. S’il n’y a que trois jours que la troupe en noir a frappé, il se peut qu’elle soit encore à notre portée !
    Cette réponse agaça l’aveugle. Isarn s’était rapproché.
    — Mon nom est Althoras, dit le vieillard courroucé. Isarn est mon successeur désigné. Si tu refuses de parler, nous te supplicierons avec plus d’acharnement que des dominicains pour te faire avouer ce que tu sais !
    Ce ne fut pas la menace qui fit peur au père Aba, mais le nom de l’aveugle. Il avait aussi entendu parler plusieurs fois du personnage d’Althoras depuis son arrivée à Cantimpré. Il avait la réputation d’avoir été un redoutable brigand alchimiste qui accaparait autant les richesses des nobles que les découvertes et les formules de certains nécromanciens fameux. Personne ne savait s’il était toujours vivant ; condamné treize fois à être brûlé, toujours libéré par les siens, il était présumé aussi riche que le roi de France et l’on prétendait qu’il avait réussi à expérimenter sur lui un dosage secret qui l’avait rendu immortel.
    — Si je vous parle, objecta Aba, vous n’aurez plus de raison de me faire partager ce que vous savez. J’ai tout quitté pour retrouver cet enfant. Je n’ai plus peur de personne. Aidez-moi, et je vous aiderai…
    Aba fut jeté dans une cellule.
    Pendant plusieurs heures, Althoras et Isarn vérifièrent ses dires, étudièrent sa carte et ses documents de Narbonne, réclamèrent des précisions à leurs hommes qui connaissaient tel ou tel village.
    Lorsqu’il fut établi qu’Aba était bien le prêtre de Cantimpré, et non un espion, Althoras céda :
    — C’est entendu.
    La levée du camp de la prison de Toulouse pour Castelginaux ressemblait à celle d’un caravansérail. Isarn et Althoras ne se déplaçaient jamais sans le gros de leurs forces, suivies par des filles publiques et des petits vauriens qui espéraient trouver à piller après leur passage dans les bourgs. La bande formait un serpent qui s’étirait sur les routes. Les brigands étaient chargés, car ils avaient pour coutume d’emporter avec eux toutes leurs possessions.
    Aba, ébahi par le branle-bas et le concours de personnes qui prenaient part à l’expédition, comprit pourquoi cette bande était réputée imbattable par les défenseurs de l’ordre : elle était plus nombreuse et mieux équipée que les gardes de la ville.
    La troupe progressa en bel et bon ordre, terrifiée par l’autorité de ses deux chefs.
    Pour le voyage, Althoras se faisait porter dans une litière fermée. Le père Aba suivait sur un âne.
    Ils arrivèrent à Castelginaux, le surlendemain, à l’heure de sexte. Le ciel d’hiver était bleu, un vent tenace glaçait les bêtes et les hommes. Le village n’était pas aussi délabré que Cantimpré ou Aude-sur-Pont. Une route large de deux toises filait non loin et assurait sa subsistance en

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