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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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ville en déboulant par la porte Flaminia et courut vers la rive basse du Tibre.
    Il dévala le talus et rejoignit un débarcadère. Ce quai pourvu de deux jetées en équerre servait à l’approvisionnement de la ville. Situé hors des remparts, il profitait d’un taux péager plus favorable que ceux pratiqués à l’intérieur.
    Tout en courant, le garçon se faufila entre les caques et les caissons de marchandises. Un garde des douanes le surprit et l’attrapa par le col.
    Il le secoua tant que le garçon manqua de s’étrangler.
    — Je travaille sur un bateau, dit-il pour sa défense.
    — Ton nom ?
    — Matthieu.
    — Pour qui travailles-tu ?
    — Maître Jean Soulié. J’accuse déjà un terrible retard !
    Le garde traîna le gamin vers la jetée de départ où une barge à fond arrondi et à voile carrée attendait d’appareiller. Le bâtiment servait à charrier des pierres chargées à Ostie pour la rénovation du pavement de Rome. Jean Soulié était un géant au ventre rond ; si plein, si haut et si pesant, qu’on prétendait que ses déplacements sur la passerelle suffisaient à donner de la bande à sa barge.
    L’embarcation devait regagner Ostie à vide, avec seulement deux fûts de colonnes doriques refusés pour malfaçon et quelques caisses de victuailleurs qui profitaient de ce retour à moindre coût.
    — Te voilà à la fin, enfant de malheur ! cria-t-il sitôt qu’il aperçut le garçon intercepté par le garde.
    Il lui servit une gigantesque gifle qui le renversa contre le bois de la jetée.
    — Merci de me l’avoir ramené, dit-il au garde. Je n’attendais plus que lui pour naviguer. Mon chargement a été visé. Gagne ton poste, traînard !
    Sitôt le jeune matelot remis sur ses pieds, il le gratifia d’un coup de botte dans le bas du dos.
    — C’est en ordre, conclut le garde.
    Peu après, la barge quittait le quai. Soulié était seul à bord avec le garçon pour barrer cette longue embarcation. À vide, il refusait de s’encombrer de bras supplémentaires et il n’employait sa voile que pour rebrousser le fleuve, non pour retourner à Ostie en aval.
    Le Tibre était en partie gelé, de gros blocs de glace glissaient lentement avec le courant près du bateau, sans ressauts mais aussi dangereux que des têtes de bélier.
    Matthieu se plaça à l’avant, couvert d’un épais drap de laine pour se garder du vent. Il observait l’eau afin d’avertir son maître en cas d’obstacles inattendus.
    Soulié resta un long moment dans un silence courroucé contre son second, ne lui adressant pas la parole avant que le courant les eût portés au-delà du Mons Gaudii et que, favorisés par la courbure du fleuve, ils échappent à la vue des douaniers.
    — Va ! lui ordonna-t-il. Tu peux à présent.
    Matthieu rejoignit les fûts alignés au centre du bateau. Ces colonnes étaient creuses. À l’intérieur de l’une d’elles, un homme s’était engouffré pour échapper à ses poursuivants : Bénédict Gui.
    Il s’extirpa de la cache, aidé par le jeune garçon.
    — Je suis heureux de te voir, petit !
    — Et moi donc, maître ! Nous étions tous inquiets pour vous.
    L’homme et l’enfant se rangèrent le long des colonnes.
    — Votre signalement a été donné dans tous les quartiers, raconta Matthieu. Il n’y a pas un garde du sacré palais qui ne soit à votre poursuite, maître Gui ! Après l’évasion, les hommes de Fauvel de Bazan ont mis la via delli Giudei à sac et ont découvert les autres procédés que vous aviez prévus pour fuir.
    Matthieu dit cela en souriant, comme si une farce avait été jouée aux gardes :
    — Mais ils ont aussi arrêté ceux qui vivent dans la maison par où vous avez disparu. Près de trente autres personnes ont été écrouées…
    Bénédict baissa la tête ; Matthieu ajouta :
    — Croyez bien que pas une ne prononcera de parole hostile à votre encontre !
    Gui sourit :
    — J’ai confiance en eux. N’est-ce pas leur courage et leur bonté qui me valent ma liberté ?
    — Après votre départ, la foule est restée mobilisée pour défendre votre boutique, car les soldats s’apprêtaient à emporter vos hvres et vos écrits. Les habitants ont préféré y mettre le feu ! Les soldats ont eu beau jouer du plat de l’épée, ils n’ont rien réussi à sauver !
    — Dieu les bénisse ! s’exclama Gui. Ils ont parfaitement agi.
    Il ne trahissait pas le moindre regret de savoir l’œuvre de ses

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