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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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toutes saisons. Des murets de pierre soutenaient les maisonnées, les toits paraissaient solides et les habitants se vêtaient comme dans les villes.
    Hors ça, près de cinq masures avaient brûlé et partout se lisaient des traces de combats féroces. L’habitation qui servait de refuge à la famille d’Isarn n’était plus que cendres, la femme ayant péri dans les flammes après qu’on lui eut arraché son enfant.
    Le géant descendit de cheval. Il s’immobilisa pendant de longues minutes ; des larmes silencieuses coulaient le long de ses joues.
    L’ensemble du village se réunit pour accueillir les brigands, crier sa colère et implorer l’aide d’Isarn. Ils racontèrent la violence des affrontements : les hommes en noir avaient surgi en plein jour, armes aux poings. Ils pensaient pouvoir aisément imposer l’ordre, mais les partisans d’Isarn à Castelginaux avaient résisté et entraîné la population. La confusion régna un temps dans le camp des ravisseurs. L’un d’eux avait même été tué. Mais la riposte des hommes en noir ne s’était pas fait attendre : ils étaient plus aguerris aux combats que les paysans. Ils prirent le dessus, assassinèrent neuf villageois, emportèrent la fille et mirent le feu à plusieurs maisons avec le désir d’incendier le village. Ensuite ils profitèrent des fumées noires pour disparaître aussi subitement qu’ils étaient arrivés, abandonnant le corps de leur compagnon derrière eux.
    Althoras demanda que l’homme qui l’avait tué soit présenté au père Aba. Il se nommait Leto Pomponio, un Lombard impitoyable qui appartenait à la bande d’Isarn depuis des années. Pour sauver la fille de son maître, il avait massacré l’homme en noir et fait porter son épée à Toulouse. Leto Pomponio avait aussi conservé sa tenue de cuir sombre, ses bottes, son ceinturon et ses éperons, dans l’espoir d’en tirer profit sur un marché, avant que les villageois ne s’acharnent sur la dépouille et ne la mettent en pièces.
    Il tira le costume d’un bagage roulé à l’arrière de la selle de son cheval et le montra à Aba. Ce dernier reconnut la matière, la profonde capuche et la ceinture des hommes qui avaient pénétré dans son petit presbytère.
    — Ce sont les mêmes, murmura-t-il. Les mêmes qu’à Cantimpré…
    Il calcula que la troupe était venue à Castelginaux huit jours après son passage dans sa paroisse. Plus de trente-quatre lieues séparaient ces deux points : où avaient-ils logé pendant ce périple si vite avalé ?
    Il questionna chaque villageois. Avaient-ils remarqué un jeune garçon avec la troupe noire ?
    — Oui, concéda enfin l’un d’eux qui portait une large cicatrice au front. Les ravisseurs possédaient une charrette.
    Il décrivit sommairement le garçon qui s’y trouvait seul à l’intérieur. Sept ou huit ans, le cheveu blond.
    Aba sut qu’il s’agissait de Perrot.
    — Quelle direction ont-ils prise ?
    Personne ne put répondre à cette question.
    Après ces révélations qui redonnaient de l’espoir à Aba, Althoras demanda à lui parler avec Isarn.
    Ils s’isolèrent dans sa litière de voyage. Son aménagement ressemblait à celui du cachot de Toulouse, partout des coussins et d’épaisses couvertures, la bâche de grosse toile était cachée derrière des voilages de satin. Un feu crépitait entre des briques sous un conduit d’aération.
    — Comme convenu, nous t’avons amené ici. Le garçon que tu cherches était du voyage de cette troupe en noir. Nos histoires sont liées. Maintenant parle. Pourquoi as-tu évoqué un don ?
    Tenu de respecter sa promesse, le père Aba lui expliqua qui était l’enfant. Il avoua même leur lien de parenté.
    — Perrot est guérisseur. J’ignore l’étendue de ses pouvoirs. Depuis sa naissance, une série de merveilles a eu lieu dans ma paroisse.
    — Je connais Cantimpré et ses miracles, dit Althoras.
    — J’ai tout fait pour qu’aucun des prodiges ne soit attribué à mon fils, afin de le protéger de l’Église. Je les ai rangés sur le compte de la communauté et de l’âme d’un curé qui a longtemps siégé à Cantimpré avant moi.
    — J’ai connu le père Evermacher, fit le vieil aveugle.
    Aba poursuivit en serrant les poings :
    — À l’évidence, mes précautions n’auront pas été suffisantes. Je suis convaincu que Perrot a été ravi par la faute de son don. Comme d’autres enfants miraculeux dans plusieurs villages

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