Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
Vom Netzwerk:
fait-il ?
    — Il erre près du pont, répondit Job Carpiquet. Il porte un sac à l’épaule, une épée dans une main et une arbalète dans l’autre… Attendez. Voilà qu’il se saisit d’un cheval abandonné par un des nôtres. Il s’élance au galop !
    — Vient-il vers nous ?
    Le garçon hésita un moment. Puis :
    — Pas du tout. Il a pris dans les bois. Plein est ! Pour la première fois depuis longtemps, le sang monta aux joues du vieillard. Il ordonna, à pleine voix :
    — En selle, petit. Suis-le. Suis-le donc ! Il a dû découvrir quelque chose et peut nous mener à Agnès. Ne le perds pas de vue et rapporte-moi tous ses gestes, toutes ses paroles !… En selle !

C HAPITRE 18
    Peu après son départ de Spalatro, Bénédict Gui s’entailla l’avant-bras et remplaça la mixture de mercure et de vermillon, recueillie dans une fiole par les villageois sous les paupières de sainte Monique, par quelques gouttes de ses veines.
    « Ce sacrilège n’est qu’une manipulation de plus ajoutée au bas d’une longue liste », se dit-il en reprenant la route.
    Pendant ses années d’errance dans le Latium, après la mort d’Aurélia, il avait pu faire la démonstration facile de quatre supercheries prodigieuses initiées par des évêques. Apparitions frauduleuses, guérison truquée, signaux du Ciel dénués de fondement.
    Combien l’Église avait-elle perpétré de simulacres depuis treize siècles ?
    Quinze lieues le séparaient de l’abbaye de Pozzo où il devait remettre les documents stipulant le miracle de la statue.
    Trois jours plus tard, au trot de sa mule, il atteignit l’abbaye bénédictine de Pozzo. Elle occupait une aire de plus de cent mètres de côté, pourvue d’une église abbatiale à trois autels, d’une école, d’un cloître circulaire, d’un jardin médicinal, d’une porcherie, de plusieurs fours à potier, mais surtout d’un scriptorium et d’une bibliothèque qui pouvaient rendre des points à leurs rivales clunisiennes. Ses murs étaient clairs, renvoyant la lumière de ce jour sans nuages.
    Bénédict se présenta à la Maison des enregistrements, près du parloir. La salle était vaste, bruyante et populeuse ; cinq comptoirs servaient à l’immatriculation des miracles. Il fut ébahi par la quantité de monde qui s’y pressait. Une douzaine de « souteneurs de prodiges » venaient vérifier l’état de leurs dossiers. Ils se parlaient entre eux avec familiarité, employant des langues ou des accents différents. Certains étaient des moines, d’autres des laïques comme Bénédict.
    Il finit par se présenter devant un sous-abbé et un frère convers, assis derrière une large écritoire couverte de registres et de rôles. Les deux hommes portaient la tunique noire et le scapulaire de leur ordre.
    L’abbé garda sa pose, sans lever les yeux vers le nouveau venu, classant les documents :
    — Quel est l’objet de votre demande, mon fils ? demanda-t-il à Bénédict.
    — Un saint miracle produit en la paroisse de Spalatro. Des larmes de sainte Monique, versées dans un cimetière.
    — Sur la tombe d’un profane, d’un laïque, d’un clerc ou d’un bienheureux ?
    — Un prêtre.
    — De quel type de pleurs s’agit-il ? Eau, huile, sang ?
    Bénédict sortit sa petite fiole rouge. Le sous-abbé la prit et fit appeler un frère. Un vieil homme arriva, muni d’une fine tige de fer. Il ouvrit la fiole, releva une goutte et la porta à sa bouche.
    — Du vrai sang. Humain, décréta-t-il.
    Le frère convers commença alors à prendre des notes par écrit.
    — Avez-vous les documents requis ? demanda-t-il à Bénédict.
    Celui-ci déposa l’ensemble des feuillets apportés de Spalatro.
    Après avoir constaté que rien ne manquait, le religieux ajouta :
    — Votre proposition sera évaluée dans les prochains jours. Restez à Pozzo d’ici au verdict.
    — Puis-je me présenter au dortoir de l’abbaye ?
    Les deux hommes sourirent.
    — Nous n’avons pas la capacité de recevoir tous les requérants dans nos murs. Vous trouverez des auberges au village.
    Bénédict observa le convers qui emportait ses écrits et sa fiole pour les ranger près d’une pile de dossiers dans un coffre.
    Il demanda :
    — Si le cas de Spalatro passe le premier examen, combien de temps exigera la démarche suivante ?
    Le sous-abbé haussa les épaules :
    — Cinq à six ans, au mieux. Nous traitons plus de mille cas chaque année. Toutes les

Weitere Kostenlose Bücher