Délivrez-nous du mal
soignée.
— Dites-moi, ajouta l’augustin d’une voix calme, vous avez attaqué notre château dans le seul but de retrouver ces enfants ?
Aba fronça les sourcils.
— Mon fils est parmi eux, rugit-il.
L’augustin hocha la tête.
— Eh bien, quel mal lui souhaitez-vous ? Vous avez dû remarquer qu’il n’était pas comme les autres… Vous feriez aussi bien de le laisser avec Dame Até. À l’évidence, vous ne savez pas ce que vous faites…
Aba revit en pensée le corps du petit Maurin se vidant de son sang contre la poutre de son presbytère et résista à l’envie de tuer le jeune augustin. Il arracha le feuillet du livre.
— Reconduis-moi dans la cour.
L’augustin emprunta un autre couloir de chambres. Il s’arrêta devant une huis bardée de fer et l’ouvrit avec une petite clef suspendue autour de son cou.
— D’après ce que je sais, c’est ici qu’était le quatrième garçon.
Le père Aba s’approcha d’un lit. Des vêtements étaient jetés sur le matelas.
Il reconnut la tenue vert-de-gris que portait Perrot le jour de son enlèvement. Il s’en saisit et la porta au visage. Il ferma les yeux et tout son être frémit à l’odeur de son fils.
— Merci, dit-il, faisant disparaître les affaires de Perrot sous sa chemise.
L’augustin le guida jusqu’à une poterne qui donnait sur la cour du château depuis le rempart opposé à la chapelle. Le père Aba le somma de ne pas le suivre.
— Adieu, lui fit-il.
Les combats faisaient encore rage, les brigands étaient en train de prendre le dessus. L’incendie provoqué par Isarn avait gagné tout le donjon. Des hommes d’Hue de Montmorency enfumés ou le corps en flammes, sautaient des croisées, pour se rompre les os sur les pavés de la cour.
Le père Aba se précipita sur le cheval de Leto Pomponio. La bête et le maître baignaient dans leur sang. Il arracha la sacoche nouée à l’arrière de la selle et emporta avec lui les habits de l’homme en noir tué par Pomponio à Castelginaux.
Son butin sous le bras, il grimpa jusqu’en haut des remparts.
Les soldats d’Hue de Montmorency s’étaient regroupés dans le donjon pour le défendre contre Isarn et sauver les leurs de l’incendie.
Le père Aba atteignit l’une des tours en saillie qui surplombaient le pont-levis. L’homme en charge du mécanisme du pont se rua vers lui, un fléau d’armes dans une main et un bouclier dans l’autre. Il faisait deux fois la taille du prêtre. Celui-ci n’avait que l’épée de Cantimpré pour se défendre. Il évita de justesse la boule de cire durcie hérissée de tessons lancée au bout d’une chaîne. Il sentit le souffle de l’arme effleurer sa joue. Son assaillant le renversa avec son bouclier. Le père Aba tomba sur les planches de bois de la plate-forme qui entourait l’échafaudage autour du pont-levis. L’homme avait relevé le bras et projetait de nouveau son fléau d’armes vers Aba.
Le prêtre roula sur sa droite au moment où les éclats de verre s’imprimèrent dans les planches de bois. Il se retint d’une main avant de basculer dans le vide. Se balançant au prix d’un effort terrible, il lâcha prise pour atteindre un niveau inférieur de la plate-forme, hors de portée du géant.
Au même instant, des archers d’Hue de Montmorency qui l’avaient repéré depuis la cour lui décochèrent flèche sur flèche.
Le père Aba s’abrita derrière un muret. Il vit la dépouille d’un brigand d’Isarn étendu non loin de là, son arbalète à la main. Aba s’appropria l’arme, ainsi qu’un carquois de quatre traits.
Il avança sur la plate-forme et visa au-dessus de lui, glissant la pointe de la flèche de son arbalète entre les jours des planches de bois. Le géant apparut dans sa ligne de mire. Il tira et l’atteignit en pleine cuisse. L’homme s’écroula et chuta sur le sol pavé de la cour, huit mètres plus bas.
Alors Aba s’élança.
Il remonta jusqu’à la tour en saillie. Et de là, sans réfléchir, échappant aux tirs des archers, il s’élança dans le vide et chuta au milieu des eaux boueuses du fossé.
Au même moment, en lisière de forêt, Althoras, assis dans son chariot, se faisait décrire les combats qui se déroulaient au château par son jeune aide, Job Carpiquet.
Il sursauta en entendant que le frère Aba venait de ressortir indemne des douves, en dépit de son terrible saut.
— Que fait-il, à présent ? demanda-t-il, fébrile. Que
Weitere Kostenlose Bücher