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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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manifestations prodigieuses finissent sur nos pupitres, mon fils, dans l’espoir d’être remarquées par Rome et d’obtenir une bulle d’ouverture.
    — Six ans… ? répéta Bénédict.
    Il regarda autour de lui. Du monde attendait déjà derrière lui.
    — Vous lirez que le prêtre qui a suscité les larmes de la sainte se nomme Evermacher, et qu’il est l’ancien curé de la paroisse de Cantimpré. Vous connaissez Cantimpré ?
    À ce nom, les deux hommes avaient relevé la tête.
    — Cantimpré ? fit l’abbé. C’est en effet un village qui requiert notre attention…
    Il fit signe au convers de reprendre les éléments.
    — Vous avez eu raison de le mentionner. Cela pourrait accélérer les démarches.
    Il replongea dans ses documents et dit :
    — Mais ne rêvez pas, c’est un long processus.
    Gui quitta l’enceinte de l’abbaye, se disant qu’au vu de la quantité de propositions de sainteté qui y transitaient, il voulait bien être damné s’il n’y avait pas entre ces murs quelqu’un qui connaisse le cardinal Rasmussen ou son secrétaire Rainerio, personnages incontournables de la Sacrée Congrégation.
    Il se porta au village de Pozzo, à un quart de lieue de là.
    Le sous-abbé n’avait pas menti ; l’activité hôtelière de ce modeste bourg était impressionnante. L’affluence de solliciteurs de saints assurait une manne importante, très souvent renouvelée. Six auberges et deux hospices pouvaient accueillir plus de deux centaines d’hôtes.
    Bénédict fit son entrée dans l’auberge du Livre d’Osée.
    La salle commune était aussi animée que si elle s’était trouvée à Londres ou à Paris ; les tables encombrées de buveurs, du vin en quantité, une odeur de cendre et de fumet flottait dans l’air. Tous les occupants étaient des hommes attirés à Pozzo pour défendre une cause de sainteté.
    Après avoir réglé une place de couchage, Bénédict comprit en les écoutant que les clients de l’auberge se consacraient à la fonction de « dénicheur de saints » comme un métier : tout l’an, ils parcouraient les diocèses à la recherche du moindre indice de merveilleux puis, dès que l’argent d’une paroisse avait parlé, ils allaient porter la supplique des autorités locales à l’attention de l’Église ; un pactole étant garanti en cas de réussite. Certains en étaient à leur dixième ou vingtième tentative.
    Beaucoup de trafiquants se connaissaient de longue date.
    Bénédict Gui s’attabla avec quatre hommes qui l’accueillirent chaleureusement, comme il était de coutume pour les « nouveaux ». Trois d’entre eux avaient à peu près son âge, deux Italiens et un Lusitanien, et le dernier était un homme plus âgé, originaire des Pouilles.
    — Quelle cause de miracle soutiens-tu, l’ami ? demandèrent-ils à Bénédict.
    — Une statue de sainte Monique qui a pleuré des larmes de sang.
    Les quatre sifflèrent d’enthousiasme.
    — Bien, très bien.
    — Bon début !
    — Les larmes sont moins fréquentes qu’on ne le prétend.
    — Tu as tes chances !
    On perça un tonneau de posca en l’honneur de la sainte bonté de Monique, sans oublier de mettre ce vin aux frais du « nouveau ». La salle de l’auberge ne cessa de s’animer durant les heures qui virent le jour tomber. Les entrées et sorties étaient nombreuses et l’on mit un mouton à tourner sur une broche.
    Les compagnons de Gui lui narrèrent leurs dossiers respectifs, comme des soldats qui s’enorgueillissent d’une bataille ou de la conquête d’une femme.
    L’un dit :
    — J’ai la servante d’un curé, morte au temps de Grégoire IX, qui apparaît toutes les Saint-Denis pour dénoncer les pécheurs de son village.
    Un autre :
    — J’ai un tombeau d’abbesse à Bourges qui s’est mis à sentir exceptionnellement bon et qui, lorsqu’on y applique l’oreille, fait entendre les pulsations d’un cœur !
    Un autre :
    — Je soutiens une commune de Lombardie où un bienheureux fut enterré du temps de Charlemagne. Sa dépouille devait être transférée cette année dans une paroisse voisine plus prospère, mais lorsqu’il s’est agi de soulever son cercueil, celui-ci est devenu si pesant que vingt gaillards n’ont pas réussi à le déplacer d’un pouce. Le bienheureux refusait de quitter sa terre !
    Le dernier :
    — J’ai la cause d’un manteau d’évêque du VII e siècle qui guérit les malades atteints d’ulcération,

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