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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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une écritoire. Il bouscula des ouvrages et découvrit un cahier de parchemins rangé à part.
    Il repéra des croquis à la mine de plomb représentant des portraits d’enfants. Fébrilement, il feuilleta chaque page. Il s’en comptait des dizaines. Des garçons et des filles de tout âge. Aucun nom, aucune date, aucune mention de lieu.
    — C’est le travail qu’accomplit ici frère Ravallo, le troisième membre de notre petite communauté à Mollecravel, dit l’augustin. Dame Até lui demande de réaliser des portraits des enfants. Vous voyez là ses feuillets d’esquisses. Lorsque les œuvres sont terminées, Dame Até les fait envoyer à Rome…
    Soudain Aba reconnut, sans le moindre risque d’erreur, le visage de Perrot !
    Il lui montra le portrait :
    — Le connais-tu ? L’as-tu vu ?
    — Je vous jure bien que non…
    Aba se retint au dossier d’une chaise pour ne pas se renverser et resta sans bouger, le regard fixé sur l’image. Son fils montrait des habits différents de ceux qu’il avait revêtus le dernier matin à Cantimpré.
    — Croyez-moi, dit l’augustin qui ne savait comment interpréter l’effarement de son agresseur, les enfants sont traités ici avec beaucoup d’égards, mieux que les hôtes de marque d’Hue de Montmorency. Hormis quelques chagrins au moment de leur arrivée, je les ai toujours vus se plaire parmi nous. Ils sont entourés de personnes qui les comprennent et qui peuvent leur venir en aide.
    Le père Aba explosa :
    — Que dis-tu là ? Quelles personnes ? De quelle aide parles-tu ?
    Il attrapa l’augustin par le col et le plaqua contre une paroi.
    — Pour ce que j’ai pu apprendre, dit le jeune homme d’une voix étranglée, ces enfants ont en commun d’avoir contracté une certaine « maladie », ou de nourrir des symptômes similaires, et on les conduit ici pour diagnostiquer leurs anomalies. Mais moi je ne participais pas à cela…
    Aba serra un peu plus la gorge du jeune homme :
    — Des symptômes ?
    L’augustin acquiesça :
    — Hue de Montmorency est très attaché à cette entreprise, surtout que lui-même a été soigné de ses propres maux !
    Le père Aba se souvint du récit d’Althoras sur Montmorency : son tempérament cruel, sa subite disparition et sa conversion inexpliquée à son retour. Le loup changé en agneau.
    — Est-ce que des clercs étaient présents auprès des enfants ? Est-ce qu’Até venait souvent ?
    — Des évêques, quelquefois… Dame Até a toujours eu la haute main sur les enfants… C’est elle qui dictait les ordres…
    — Qui est-elle ?
    — Je sais seulement que c’est la fille de quelqu’un de puissant… Elle est crainte et respectée…
    — Les enfants, où sont-ils désormais ? Où sont-ils conduits après Mollecravel ?
    — Sans doute partis pour recevoir leur cure… Ici, ils sont évalués, ensuite de quoi… ils rejoignent un meilleur établissement… où ils sont définitivement guéris.
    Le père Aba bouillait :
    — Où cela est-il ?
    Il libéra le cou de l’augustin pour le laisser répondre car il était près de perdre connaissance :
    — Peut-être dans le lieu où notre bon maître Hue de Montmorency a reçu les soins qui ont fait de lui l’homme digne du Seigneur qu’il est devenu… Je crois qu’il s’agit d’un monastère qui se trouve dans les États pontificaux…
    — En Italie ?
    — Je n’en sais pas plus…
    Le prêtre relâcha le jeune homme. Il craignait d’avoir atteint une impasse, d’être arrivé bien trop tard. Il regarda autour de lui, éperdu.
    C’est alors que l’augustin fit un pas vers les livres et se saisit d’un ouvrage qui ressemblait à une bible richement reliée.
    — Ce livre est consulté par Dame Até, dit-il. Je crois qu’il a été écrit sous le privilège de ce monastère d’où nous est revenu Hue de Montmorency.
    Il l’ouvrit devant le père Aba.
    Il ne s’agissait point de la Bible mais d’une Vie des saints.
    Aba lut sur la page de garde le sceau officiel du privilège ecclésiastique conféré pour sa rédaction et son enjolivement, au compte du monastère Albert-le-Grand, proche d’Ancône.
    Le sang de Guillem Aba se glaça : Ancône ! Le monastère… Les souvenirs de Toulouse lui revinrent en rafale : l’Hospice des enfants trouvés, la malheureuse Concha Hermandad, la « Vierge d’Aragon miraculeuse » emportée sur ordre de l’archevêque d’Ancône pour être

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