Dernier acte à Palmyre
tu avais repris la direction après la mort de Fronto ?
— Il fallait bien que quelqu’un s’y colle. Alors c’était moi ou un putain d’homme.
Thalia n’avait pas très bonne opinion des hommes. Allez savoir pourquoi. Peut-être parce que ses histoires d’alcôve avaient été sordides.
Le Fronto en question importait des animaux exotiques pour les jeux du cirque et organisait des banquets encore plus exotiques pour le tout-Rome. Et toutes ces activités exotiques l’avaient malencontreusement conduit à se faire croquer par une panthère. Une vraie.
Thalia, qui dansait naguère dans les banquets qu’il préparait, dirigeait l’affaire qu’il avait dû abandonner en partant pour un monde meilleur.
— Tu as toujours la panthère ? essayai-je de plaisanter.
— Bien sûr !
J’étais certain que Thalia l’avait gardée comme une marque de respect à l’égard de Fronto, car des parties de son ex-employeur restaient peut-être à l’intérieur de l’animal.
— As-tu réussi à confondre sa veuve éplorée ? demanda-t-elle d’un ton abrupt.
Le chagrin affiché par la veuve de Fronto n’avait pas convaincu grand monde. Mais le deuil se portait mal à Rome où la vie ne valait pas cher, surtout pour un homme qui offensait sa femme. C’est en essayant de prouver la complicité entre la veuve et la panthère que j’avais connu Thalia et sa collection de serpents.
— Je n’ai pas pu rassembler assez de preuves pour la faire juger, mais elle ne pourra plus courir après les héritages. Elle est mariée à un homme de loi.
— C’est une sacrée punition. Même pour une salope comme elle !
Un sourire cruel éclairait le visage de Thalia.
Je lui souris à mon tour.
— Dis-moi, maintenant que tu es devenue la patronne, tu ne fais plus ta danse avec les serpents ? Je n’aurai plus l’occasion de t’applaudir ?
— Rassure-toi. Je n’ai pas renoncé à mon numéro. J’aime exciter les foules.
— Mais tu n’utilises pas Jason à cause de ses sautes d’humeur ?
Helena souriait. Elles s’étaient acceptées mutuellement. La fille du sénateur était pourtant avare de son amitié. Tenter de percer sa personnalité, c’était un peu comme essayer de ramasser de l’huile avec une éponge. Il m’avait fallu six mois pour la conquérir, en dépit de mon physique avantageux et de ma grande expérience.
— Je danse avec Zeno, indiqua Thalia, comme si le reptile n’avait besoin d’aucune autre description.
J’avais entendu dire qu’elle présentait un numéro avec un immense serpent qui l’impressionnait elle-même.
— C’est un autre python ? demanda Helena dont la curiosité était éveillée.
— Un python et demi !
— Et qui est-ce qui danse ? Lui ou toi ? Ou est-ce que le truc consiste à faire croire au public que la participation de Zeno est plus grande qu’elle ne l’est en réalité ?
— Exactement comme faire l’amour avec un homme… Tu as réussi à lever une fille pas bête du tout, me dit Thalia sèchement. Tu as raison, confirma-t-elle ensuite à Helena. Je danse en espérant que Zeno ne va pas avoir envie de m’imiter. D’abord, je serais bien incapable de soulever vingt pieds de boa.
— Vingt pieds !
— Sans compter le reste.
— Par Jupiter ! Et il est dangereux ?
— Eh bien… (Thalia se tapota l’arête du nez d’un air mystérieux, puis fit mine de nous livrer un secret :) Les pythons ne mangent que ce qui peut s’enfiler entre leurs mâchoires, et même en captivité, ils font les difficiles. Ils sont tellement forts qu’ils effrayent les gens, mais j’en ai jamais connu un ayant montré la moindre envie de tuer un être humain.
Je laissai échapper un rire bref à la pensée de la frousse que me flanquait Jason, et me sentis floué.
— Alors, ton numéro, c’est de la poudre aux yeux ?
— Tu veux essayer de danser avec mon gros Zeno ? me provoqua-t-elle d’une voix acide. (Je refusai d’un geste.) Non, tu as raison, Falco. Il faut que j’améliore mon numéro. Je devrais me procurer un cobra pour ajouter une touche de vrai danger. Et il pourrait aussi attraper les rats dans la ménagerie. Ils sont doués pour ça.
Helena resta aussi silencieuse que moi. Nous savions tous les deux que les morsures de cobra étaient généralement mortelles.
Puis la conversation prit une nouvelle tournure.
— Bon, maintenant que tu sais où j’en suis, si tu me racontais à quoi tu t’occupes, Falco ?
— Ah ! La question n’est pas
Weitere Kostenlose Bücher