Dernier acte à Palmyre
facile !
— Mais la réponse est simple, intervint Helena en riant. Il n’a absolument rien à faire.
Ce n’était pas la stricte vérité. On m’avait offert une mission le matin même, mais Helena l’ignorait. J’étais tenu de garder le secret. Non seulement je devrais travailler d’une façon clandestine, mais je ne pourrais jamais la mettre au courant car elle tenait mon patron en trop piètre estime.
— Tu es détective privé, pas vrai ? demanda Thalia.
J’acquiesçai d’un signe de tête, sans porter une attention particulière à ses propos. Ma principale préoccupation était d’empêcher Helena d’apprendre la vérité au sujet de mon nouveau travail.
— Ne fais pas ton timide ! insista-t-elle. On est entre amis. Tu peux avouer n’importe quoi !
— Et c’est un excellent détective privé, renchérit Helena, qui me donnait déjà l’impression de me dévisager d’un œil soupçonneux.
Elle ignorait probablement encore ce que j’essayais de lui dissimuler, mais elle commençait visiblement à comprendre que je lui cachais quelque chose. Je tentai de concentrer mes pensées sur le temps qu’il faisait.
Penchant la tête sur le côté, Thalia demanda encore :
— Alors, ça consiste en quoi, Falco ?
— Chercher des renseignements. Des preuves pour des avocats. Le plus souvent, écouter des commérages en se faisant une raison. Aider des candidats aux élections à débiner leurs concurrents. Aider des maris à trouver des motifs de divorcer de femmes dont ils sont fatigués. Aider des femmes à ne pas subir le chantage d’amants qu’elles ne veulent plus voir. Aider des amants à se débarrasser de femmes dont ils ont compris les desseins.
— Si je comprends bien, tu es un service social à toi tout seul, se moqua la charmeuse de serpents.
— Tu l’as dit. Je ne sais pas comment la communauté s’en sortirait sans moi… Il m’arrive de rechercher des antiquités volées, ajoutai-je, espérant me donner davantage de classe.
Mais d’après son expression, elle devait croire que je recherchais des amulettes égyptiennes de contrefaçon ou des parchemins pornographiques.
— Est-ce que tu enquêtes aussi sur des personnes disparues ? demanda soudain Thalia comme si une idée venait de lui traverser l’esprit.
Je me contentai de nouveau de hocher la tête. D’un air hésitant. J’essaie, dans la mesure du possible, d’empêcher mon entourage d’avoir des idées, car en général elles me font perdre mon temps et ne me rapportent rien. Et j’avais raison de me méfier. La danseuse explosa joyeusement :
— Ah ! Si j’avais de l’argent, je t’aurais moi-même engagé pour mettre un terme à certaine partie de cache-cache.
— Si on n’avait pas besoin de manger, répliquai-je d’un ton égal, j’aurais accepté cette offre si tentante !
À ce moment-là, le bébé éléphant repéra les cordes raides et comprit pourquoi on le conduisait le long de cette rampe. Il se mit à barrir furieusement et, parvenant on ne sait comment à faire demi-tour, il tenta de redescendre au plus vite. Ses entraîneurs s’éparpillèrent rapidement. Laissant échapper une exclamation de dépit, Thalia retourna dans l’arène en courant après avoir demandé à Helena de surveiller son serpent. Ce n’est évidemment pas à moi qu’elle eût confié une tâche aussi délicate.
2
Helena et Jason regardèrent d’un air intéressé Thalia qui gravissait la rampe pour aller réconforter l’éléphant. D’où nous étions, nous l’entendions quereller les instructeurs. Elle aimait les animaux, mais sa politique paraissait être d’obtenir des numéros exceptionnels en terrorisant ses employés. Tout comme moi, ils semblaient penser que celui-ci était voué à l’échec. En admettant qu’ils parviennent à persuader leur malhabile acrobate gris de s’élancer au-dessus du vide, les cordes allaient casser, manifestement. Devais-je intervenir pour souligner cette évidence ? Non, mieux valait m’abstenir, car personne ne m’en saurait gré. À Rome, l’information scientifique est loin d’être appréciée à sa juste valeur.
Helena et Jason avaient l’air de s’entendre parfaitement. Il faut dire qu’Helena avait une certaine expérience avec les reptiles peu dignes de confiance : elle me pratiquait depuis un certain temps.
Comme on n’attendait rien de moi, je me mis à réfléchir. Les détectives privés passent beaucoup de temps dissimulés sous des
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