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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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compassion, oui, la femme qui, en cette heure, mêlerait ses larmes aux siennes serait la digne consolation de sa peine qui seule comptait… Il eut un sourire.
    De son pas rapide et léger, il marcha vers le perron du pauvre cabaret, et il s’arrêta court : quatre hommes vêtus de noir en sortaient, quatre porteurs de la prévôté, de ceux que le prévôt envoyait d’office pour enlever les morts trop pauvres pour payer leur enterrement.
    Sur leurs épaules, ils portaient un cercueil couvert d’un mauvais drap élimé et troué.
    Ils n’étaient que quatre.
    Et certes ils suffisaient à la besogne, si maigre, si légère, si fluide était la pauvre créature qui s’en allait de ce monde vers un autre qui, si mauvais, si horrible se trouvât-il, lui serait toujours moins affreux que celui-ci…
    C’était la ribaude… c’était la Blonde !…
     
    Étant revenu vers le soir au cabaret du Bel-Argent, poussé par quelque curiosité, et voulant connaître comment était morte la Blonde, voici ce que don Juan apprit. Ces détails, il les eut dans une conversation avec Amélie la Borgnesse qu’il interrogea :
    – Monseigneur, lui dit cette fille énormément flattée de l’entretien, lorsque Brisard, le laquais de ce monseigneur comte d’à côté est venu me chercher, vous m’avez donné deux soufflets parce que je n’étais point princesse…
    – Oui-da, fit don Juan, et je vais t’en donner autant si tu ne te hâtes de me parler de la Blonde.
    – Oui, monseigneur, et vous me donnâtes aussi deux pièces d’or, c’était pour en arriver là. Car justement, la petite Blonde en avait aussi de ces pièces d’or. Maintenant, je comprends. C’était vous qui les lui aviez données. Vous en donnez donc à tout le monde ?
    Elle sourit largement. Et don Juan lui dit :
    – Il te manque trois dents. Prends garde que tout à l’heure il ne t’en manque six.
    Elle toisa don Juan, le soupesa du regard, eut un haussement d’épaules, et dit :
    – Oh ! Vous n’avez pas les poings de Lancelot. N’importe. Voici donc comment la chose s’est faite. La petite Blonde, monseigneur, est morte comme nous mourons toutes. Elle a eu un petit soupir, et c’est tout. J’étais là, je puis vous jurer que c’est la pure vérité. Elle me devait beaucoup d’argent, et pourtant je lui ai laissé sa chemise quand on l’a mise dans la bière, tout le monde vous le dira.
    – Et les pièces d’or ? gronda don Juan. N’étaient-elles pas suffisantes pour te payer ?
    – Les pièces d’or ? fit-elle étonnée. Mais elle les a emportées.
    – Emportées ?
    – C’est sûr. Emportées, je vous dis. Je ne peux pas mieux dire, pourtant.
    – Emportées où ? Vilaine ribaude, veux-tu t’expliquer ?
    – Emportées dans la boîte, dans le cercueil. Ah ! vous savez, monseigneur, vous savez donner de l’or et des soufflets comme s’il en pleuvait, mais vous êtes long à comprendre. Tout le monde comprend cela, voyons : la Blonde, en mourant, a emporté ses belles pièces d’or avec elle, dans la fosse, c’est bien simple. Car elle a été à la fosse, la petite Blonde. Vous devez pourtant savoir que la paroisse est riche et possède un cimetière. Ce n’est pas comme Saint-Médard, par exemple, une paroisse de gueux qui n’a qu’un charnier.
    Don Juan, une minute, médita sur cette sombre explication où intervenaient des fosses et des charniers, puis :
    – Je veux savoir pourquoi elle a emporté cet or…
    – C’est elle qui a voulu, monseigneur. Dix minutes avant de tourner de l’œil, elle nous a dit : «  Si je meurs, je veux qu’on me laisse ces belles médailles qu’il m’a données. » Elle l’a dit tel que je vous le dis, monseigneur. Nous lui avons donc laissé l’or, puisqu’elle l’avait voulu.
    – Et quand elle a été morte, vous n’avez pas eu la pensée de lui prendre ces pièces ?
    – Tiens ! Est-ce qu’on est des Turcs ? On est des chrétiens. Elle avait dit : « Je veux mes belles médailles. » C’est sacré. Par exemple, monseigneur, elle y perd. Mais ces petites filles ont des lubies sans prévoir si ça leur fera du bien ou du mal. Elle y perd, la Blonde !
    – Et qu’y perd-elle, voyons ? fit don Juan étonné.
    – Dame, si elle n’avait pas voulu emporter cet or, voyez tout ce qu’elle aurait pu avoir avec : d’abord, au lieu de la chemise rapiécée que je lui ai laissée pour qu’elle n’ait tout de même pas trop froid

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