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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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ensemble, Adélaïde et François s’aimaient depuis… autant dire depuis toujours. Depuis deux ans que, sur dispense spéciale, ils avaient pu s’épouser, leur amour sincère, profond, n’avait fait que s’épanouir en charme et en félicité. Ces deux êtres certainement destinés l’un à l’autre par une admirable concordance de dispositions naturelles et sociales, étaient sûrs de s’aimer toujours ; ils étaient pareils par la beauté, la jeunesse, les aspirations de l’âme, par la même finesse d’esprit, la même distinction de goûts, la même élégance d’attitudes morales, la même vitalité de cœur. En vérité, chacun d’eux était le parfait miroir où l’autre pouvait se contempler et s’étudier. On dit que ces ressemblances étonnantes sont presque toujours génératrices d’ennui, de lassitudes prématurées. Laissons dire les philosophes qui se feraient couper en huit plutôt que de ne pas couper en quatre les fils d’or des destinées heureuses, et contentons-nous d’admirer les beaux spectacles de la nature. Adélaïde et François s’adoraient. Vraiment oui, leur amour était de l’adoration. La vie sans Adélaïde eût semblé un non-sens à François ; la vie, sans François, n’eût pas été possible à Adélaïde…
    Telle était la jeune femme chez qui don Juan, quinze jours durant, se présenta régulièrement chaque après-midi et à la table de laquelle, par cinq fois en cette période, il fut reçu en sauveur, en ami, en frère.
    Pour ses quinze visites journalières, don Juan changea quinze fois d’habillement, et, à chaque nouvelle métamorphose, son costume fut un impeccable chef-d’œuvre de haut goût, d’opulente simplicité.
    Tenorio vivait toutes ses matinées à la grande friperie de la Halle où il passait en revue, avec sa parfaite science du vêtement et son coup d’œil infaillible, tout ce que les boutiques les mieux achalandées pouvaient offrir de plus fastueux, de plus harmonieux et de plus seyant.
    De même, il changea quinze fois de monture, et à chaque fois, le cheval devant qui le suisse de l’hôtel de Runes ouvrit le grand portail à deux battants, fut une bête de prix que plus d’un connaisseur admira au passage.
    À chacune de ces visites, don Juan se fit suivre de deux laquais des mieux équipés et parfaitement stylés : rien qu’à les voir, on devinait que le maître ne pouvait être qu’un très haut seigneur.
    Dès le premier jour, don Juan avait poussé la hardiesse jusqu’à offrir à la duchesse un beau diamant qui valait bien cinq ou six mille livres, enchâssé dans une bague d’or curieusement ouvrée. Il va sans dire qu’elle refusa tout net, et elle ajouta :
    – Pardonnez-moi, seigneur Tenorio, mais monsieur le duc et moi, une fois pour toutes nous nous sommes promis de ne jamais porter de bijoux que ceux que nous nous serions donnés l’un à l’autre.
    – Dès ce soir, donc, je jetterai cette pierre dans la Seine, riposta don Juan. Achetée pour vous, elle ne saurait plus convenir à nulle femme au monde…
    Il dit… et, naturellement, garda la bague et le diamant qui, au lieu de descendre au fond de l’eau, s’en allèrent échouer, plus tard, chez quelque revendeur.
    Don Juan dépensait sans compter. Mais, pareil d’ailleurs à tous les prodigues, il savait calculer sa prodigalité même. C’est ainsi que, choisissant un nouveau costume, il revendait à perte celui qu’il avait porté la veille, au fripier même qui l’habillait de neuf. Pour les chevaux, il employait le même procédé.
    Il résulta de là que, s’étant montré avec quinze habits différents, et pouvant passer pour posséder une écurie de quinze chevaux, don Juan, au bout de l’aventure, se trouva possesseur d’un unique cheval et du costume qu’il portait sur lui.
    Il n’en fut pas moins établi aux yeux de M. et M me  Grégoire que Juan Tenorio était un seigneur d’une fabuleuse richesse. Plus que jamais, les hôtes de la Devinière furent persuadés qu’ils pouvaient à un tel personnage, ouvrir un crédit sans limites.
    Quant aux deux laquais, don Juan les avait loués pour un mois, laps de temps qu’il avait jugé très suffisant et largement compté pour arriver à la conclusion naturelle et fatale de l’aventure, c’est-à-dire, d’après lui, à la chute de la pauvre duchesse.
    Malgré cette espèce d’ordre qu’il mettait à son désordre, et cette astucieuse lésinerie qu’il mettait à sa

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