Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
cher mari ! Don Juan se vit tout petit. Il se jugea humilié. Il éprouva la plus furieuse jalousie contre cet homme aimé d’un tel amour par une femme qu’il aimait, lui, depuis dix minutes ! Il vit la duchesse lever les yeux vers un beau portrait qui, par une coquetterie d’amour exclusif, se trouvait la seule œuvre d’art dont fût ornée cette chambre. Et, dans un costume de cour qui lui seyait à merveille, pourpoint de satin, court manteau de velours, toque à plume blanche, c’était le souriant portrait d’un gentilhomme jeune et beau, avec une physionomie de mâle franchise et d’humaine bonté, des yeux lumineux d’intelligence, le digne époux de cette adorable Adélaïde de Runes qui pleurait doucement en le contemplant. Elle se tourna vers don Juan alors, et continua :
    – Le duc de Runes, monsieur, vous accueillera en frère, quand il saura ce qu’il vous doit. En attendant qu’il revienne de Chantilly où il se trouve dans l’escorte française de Sa Majesté le roi des Espagnes, son hôtel vous est ouvert. Vous me feriez un infini plaisir en venant, dès ce soir, vous asseoir à ma table.
    De cet amour proclamé par don Juan, pas un mot. Tenorio ne pouvait rester sous le coup d’une pareille humiliation.
    – Madame, dit-il, j’ose accepter la précieuse invitation dont vous m’honorez. Je dois cela à mon pauvre cœur qui, si longtemps, a souffert loin de vous. J’ai si souvent rêvé de vous approcher que je me dois à moi-même le dédommagement de pouvoir vous contempler pendant toute une heure en vous disant que je vous aime…
    – Seigneur Tenorio, dit la duchesse, on voit que vous êtes de la noblesse de Séville, la plus galante qui soit au monde. Certes, un Français qui m’eût aimé comme vous prétendez m’aimer, se fût cru, dans l’heure où il venait de me sauver la vie, et justement pour cela, obligé à ne pas me parler de son amour… Mais nos gentilshommes parisiens ont de ces timidités que ne connaissent point les paladins d’outre-monts.
    La leçon était dure ; la duchesse de Runes s’évertua à en atténuer la sévérité par la grâce du sourire et la légère ironie de la voix. Mais elle ignorait à quel obstiné elle avait affaire, et que don Juan professait qu’on doit tout bonnement répéter à une femme «  Je vous aime » jusqu’à ce qu’elle ait entendu, et que le moment où elle entendra viendra sûrement…
    – Français ou Espagnol, dit-il, tout témoin de l’aventure vous eût sauvée par courage, par devoir de gentilhomme : plus égoïste, moins digne de gratitude, c’est seulement par amour que don Juan Tenorio s’est jeté à la tête de votre cheval, heureux, madame, trop heureux s’il eût péri dans l’affaire, puisqu’il lui était réservé de succomber à la douleur de n’être rien pour vous. Du moins me sera-t-il permis d’adoucir l’amertume de mon dernier soupir en attestant le ciel que je meurs de vous avoir trop aimée…
    Dans le moment où il parlait ainsi, don Juan imagina sa mort. Oui, il se dit vraiment expirer de douleur. Il s’entendit attester le ciel en prononçant le nom chéri d’Adélaïde, et l’amour, un véritable amour surgit en lui, et il pleura de vraies larmes sur sa propre misère, et le regard chargé de ces larmes qu’il leva alors sur la duchesse de Runes fut empreint d’un tel désespoir qu’elle en fut toute troublée d’un sentiment fait de compassion et aussi de quelque vanité. Car, à en croire du moins la théorie de don Juan, il n’y a pas de femme qui n’éprouve de la fierté à inspirer une passion capable d’aller jusqu’au trépas… le malheur était que ce bon Tenorio n’était nullement mort sinon en imagination, et qu’il n’avait aucune envie de trépasser.
    La preuve, c’est que, s’étant présenté le soir du même jour à l’hôtel de Runes selon l’invitation qui lui en avait été faite, il fit excellente figure à la table de la duchesse qu’il émerveilla par son appétit, qu’il étourdit de sa verve et de son entrain…
    Quant à la Blonde, quant à la ribaude du cabaret du Bel-Argent, il va sans dire qu’il n’y pensait plus.
    Et Léonor ? Ah ! pour ce qui est de Léonor… mais nous verrons bien.
    Adélaïde de Runes (de la branche cadette de la famille de Runes) avait épousé son cousin germain Henri-François de Runes : c’était toute son histoire… c’était peu, c’était beaucoup… c’était tout !
    Élevés

Weitere Kostenlose Bücher