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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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inachevé, deux larmes roulèrent, hommage suprême à la mort, suprême insulte à la vivante, puis deux autres, et d’autres encore, sans arrêt, silencieusement. Elle s’était reculée, elle regardait pleurer don Juan !
    Et il lui sembla que ces larmes… ah ! ces larmes que, sans même essayer de les cacher, il donnait à une autre, c’étaient des gouttes d’un poison corrosif tombant sur son cœur, à elle, son pauvre cœur de femme, d’amante trahie, d’épouse délaissée ! Et ce spectacle, aveu désormais irrévocable de la trahison, lui devint une mortelle torture ; elle éprouva qu’elle défaillait, elle en eut honte, et alors elle s’en alla, forme noire toute courbée, qui se traîna dans la nef déserte, elle s’en alla de son pas morne et découragé, comme si elle s’en fût allée de sa dernière espérance…
    Longtemps après, Juan Tenorio, à son tour, sortit de la chapelle de Saint-François.
    Il se dirigea, courant presque, vers la grand’porte du palais Ulloa.
    Quoi ? Que voulait-il ? Tenter quelque audacieuse folie ? Non, non. Il voulait… Oh ! il l’avait juré à Christa ! Il voulait se jeter aux pieds de Léonor ! crier son repentir ! implorer humblement le pardon régénérateur !
    L’officier à qui il s’adressa en disant que lui, comte d’Oritza, sollicitait, pour affaire d’importance, l’honneur d’être reçu par la fille du commandeur, répondit respectueusement – car Oritza était un nom de grandesse – que dona Léonor était partie pour un long voyage et que depuis près de deux heures déjà elle avait franchi la Macarena (l’une des quinze portes de Séville, celle qui était située au nord)…
    Une minute, Juan demeura immobile… À quoi pouvait-il bien songer ?
    Et tout à coup, sans transition, le sang monta à ses joues, un éclair jaillit de ses yeux, un sourire illumina sa figure. Il leva la tête, aspirant longuement. Dans un de ces ciels presque indigo des automnes andalous, voguaient de légers nuages d’un blanc d’argent. Une fraîche brise venue des lointaines sierras mettait dans l’air une exquise gaieté… Dans ce rayonnement de vie et d’amour, don Juan évoquait une image qui le faisait frémir… Et c’était la vision d’une hardie cavalière, étincelante de sa jeune beauté, infiniment gracieuse en son amazone de velours, chevauchant, vaillante et sans peur, et lui faisant signe, et le mettant au défi…
    – Par le ciel !… murmura-t-il, haletant.
    Il rêva un instant.
    – Où va-t-elle ?… Eh ! par Dieu, elle va en France ! Ah ! la brave enfant qui court contre Juan Tenorio armer la vengeance du vieux Commandeur ! Quelle riche nature ! Et quelle candeur ! Quel courage ! Et quel cœur ! C’en est fait, ma destinée m’attache à elle. Je t’aime, Léonor ! Je t’aime et suis à toi pour toujours !
    Ces mots le firent sourire : il les reconnaissait au passage, il les connaissait trop, tant de fois ils avaient servi déjà ! Mais son léger haussement d’épaules signifia qu’il n’était pas besoin d’en chercher d’autres et que ce sont ces mêmes mots qu’éternellement elles veulent toutes…
    En hâte, il prit le chemin de son logis.
    Il se glissait dans la foule, jetant une œillade au balcon dont une main fine soulevait le vélum pourpre, offrant l’admiration de son regard aussi bien à l’Espagnole aux yeux de feu, vêtue d’éclatantes couleurs qu’à la Moresque au pas craintif, timide, gazelle, se retournant pour la bourgeoise richement attifée, ou pour la suivante au pied mutin, portant le missel de sa maîtresse, dans lequel, peut-être, elle vient de glisser le billet d’un galant ; et Séville lui semblait tout entière vibrante sous le soleil, c’était Séville. Séville éveillée, rieuse, pimpante, la prestigieuse Séville alors dans sa gloire, c’était la joie de vivre et d’aimer, c’était la vie qui enveloppait, portait, soulevait don Juan charmé, enivré.
    Dans cette paroisse de Santiago el Mayor où devait naître Bartholoméo Esteban Murillo, il habitait une maison célèbre pour son élégance raffinée.
    Dans sa chambre, il ouvrit une cassette d’acier ciselé qu’il sortit d’un coffre.
    Il la vida sur une table et compta soigneusement les pièces d’or qu’elle contenait.
    – Oh ! fit-il, le viatique me semble un peu maigre… mais je n’ai pas le temps de le renforcer… Bast ! pour une expédition d’un mois ou deux, ceci

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