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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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douceur, il dégagea son poignet, se pencha sur la main de Silvia et longuement la baisa : on eût dit un amant qui retrouve une maîtresse adorée. Et tout de suite, d’un mouvement de caresse, il souleva le voile, le lui arrangea en arrière.
    – Laisse-moi te voir. Laisse-moi t’admirer. Dire que c’est toi ! Quelle hâte, Seigneur, j’avais de rentrer à Grenade ! Maudite soit cette mission qui me fut confiée de par l’ordre de l’empereur, puisque si longtemps elle m’a séparé de toi ! Comment as-tu su mon arrivée à Séville ? Et comment savent-elles toujours où est celui qui les adore ? Elles savent, voilà tout ! Ah ! j’ai dû parcourir Castille et Navarre, Estramadoure et Aragon… Silvia est la plus belle, Silvia reste souveraine en mon âme ! Mais… mais… pourquoi ces crêpes ? Oh ! pourquoi ce deuil ?
    – Le deuil de ton amour, Juan !
    Il pâlit. Mais reprenant vite sa gaieté tempérée d’émotion :
    – Que dis-tu ! Mon amour, par le ciel, mon amour est vivant dans ce cœur qui, loin de toi, ne bat qu’à peine, et à ton seul aspect… Ah ! pose la main sur lui et vois comme il se remet à palpiter !
    Elle se tint toute droite, sans un geste.
    – Quand finiras-tu, dit-elle, quand finiras-tu ta carrière d’imposture ? De quel front parles-tu ainsi, et comment espères-tu que je puisse te croire ? Malheureuse, je t’aime encore ! Malheureuse ! Le voudrais-je, que je ne pourrais arracher de moi cet amour que je te garde tel que je te le jurai ! Mais ne pense pas que je sois venue implorer une affection dont je te délie. Ce qui m’enchaîne à toi, c’est ma volonté de te sauver, Juan, cette heure est solennelle, et Dieu nous entend. Écoute une pauvre femme dont la triste beauté effacée ne peut plus rien sur toi, mais dont l’âme chrétienne ose espérer et tenter de délivrer la tienne. Sois-en sûr : tu me trouveras entre tes victimes et toi. Tant que je vivrai, autant qu’il sera en mon pouvoir, je t’épargnerai de nouveaux crimes… Tais-toi, tais-toi ! tes mensonges en un tel lieu briseraient peut-être le ténu lien de miséricorde qui retient sur ta tête la justice du ciel ! Je te suivrai. Partout où tu seras, je serai ! Tu doutes ? Sache donc que, depuis six mois, je t’ai enveloppé d’un réseau de surveillance. Tes trahisons, je les connais toutes, et chacune d’elles m’a poignardée. Longtemps, j’ai pu espérer que toi-même, à la fin, tu te ferais horreur. Maintenant, c’en est trop. C’est moi qui ai prévenu Christa d’Ulloa ! Prévenu Veladar ! Prévenu Zafra ! Prévenu Canniedo ! C’est moi ! Mon seul tourment est d’avoir trop tardé à commencer, mais je dois continuer. Tu es au bord de l’abîme, je t’empêcherai d’y rouler, et par là même, je sauverai tant d’infortunées que tu condamnes au désespoir ! Frappe-moi donc du coup mortel, si tu veux te libérer de moi ! Ou, si tu m’épargnes, arrête, Juan, arrête ! Et renonce à meurtrir un cœur qui ne sait plus où trouver la force de souffrir encore !
    Il avait écouté tête baissée, tantôt livide d’une vague terreur, tantôt rose d’une sorte de plaisir, parfois tout souriant et parfois agité d’un frisson glacial.
    Mais quand elle se tut, il éclata d’un rire frais et sonore.
    Puis, d’un accent de sensibilité sincère :
    – Moi te frapper ? Moi ! frapper une femme ! Et quelle ? Silvia, ma Silvia elle-même ! Tu ne le penses pas, chère âme ! Et cela seul suffit à me prouver que tu ne crois pas un mot de ce tissu de calomnies qu’on t’aura présentées pour exciter ta jalousie. C’est égal. Penser que ma Silvia m’a suivi jusque dans cette jolie église…
    – Tu te trompes ! dit-elle en l’interrompant d’un geste de désespoir farouche. Ce n’est pas toi que je cherchais ici ! Tous les matins, depuis trois jours qu’on l’a mise là, j’y viens pour supplier Christa…
    Un tressaillement le secoua.
    – Supplier Christa ?… Ici ?…
    – Pardonnez-lui, Christa ! Pardonnez-lui comme je lui pardonne !
    – Tu dis cela ?… À Christa ?… Ici ?…
    Elle le reprit par le poignet, l’entraîna, éperdu, jusque devant la dalle du tombeau, et elle dit :
    – Christa est ici !…
    Il n’eut pas un mot, ne baissa pas la tête, demeura debout, raidi contre le choc ; mais sans qu’il y prît garde, ses bras retombèrent au long de son corps ; et de ses yeux rivés à ce nom

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