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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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de moi pendant toute la traversée de la France, et prétends vous faire oublier…
    D’un geste impulsif, Ulloa interrompit l’empereur.
    – Sire, dit-il, je suis appelé. Il y a un malheur sur ma maison. Sans perdre une minute, je dois retourner à Séville. Daigne donc Votre Majesté m’accorder mon congé !
    Charles-Quint fronça le sourcil. La présence à ses côtés du Commandeur, à qui le connétable de Montmorency et le roi François témoignaient une franche amitié, c’était sa sauvegarde !
    – Votre congé ! dit-il durement. Quand vous savez combien j’ai besoin de vous !
    – Sire, par grâce et merci, laissez-moi aller au secours de mon enfant !
    – Eh quoi ! Pour une telle chimère ! En un pareil moment !… Reprenez votre bon sens, commandeur !
    – Sire, je dois partir. Il le faut !
    – Ha ! gronda l’empereur, voilà ce glorieux survivant d’Aversa et de Pavie !
    – Sire ! Sire ! Mon congé ! éclata Ulloa dans une explosion de détresse.
    Charles-Quint se redressa dédaigneusement. Un sourire de froide cruauté plissa ses lèvres.
    – Votre congé ?… Vous l’avez !… Courez à Séville, tandis que nous courons aux arquebuses flamandes, si toutefois nous échappons au poison ou au poignard que nous réserve peut-être votre ami le connétable. Allez. Rien ne vous force à exposer votre vie comme nous – nous qui n’avons entendu qu’une voix : celle de l’honneur !
    – Majesté !… Ce sang que vous outragez, vingt fois, pour vous, a vu le jour !
    – Non, non, s’écria l’empereur dans un de ces impétueux retours dont il avait l’art. Non, de par saint Jacques, je n’ai pas voulu t’offenser, Ulloa ! Mais songes-y : nous sommes à une heure où tout ce qui est Espagnol doit oublier famille, parents et enfants. Décide toi-même : je t’en laisse le soin !
    Une altière expression de sacrifice s’était étendue sur le visage du Commandeur : au risque de tout malheur, il ne supporterait pas qu’il pût donner prise au soupçon… Jamais un Ulloa n’avait fui le danger !
    – Je reste ! dit-il avec fermeté. En France ou dans les Flandres, sire, si vous êtes menacé, on saura qu’Ulloa était à son poste et qu’il est mort comme il a vécu : pour la gloire de l’Empire.
    En même temps, il se découvrit. Vers le ciel, vers le même point précis du ciel, il darda un étrange, un inexprimable regard de désespoir et d’orgueil, et d’un accent terrible cria :
    – Vive l’empereur !…

II
 
TÉMOIGNAGE DU COMMANDEUR
    Ulloa n’a pas laissé de mémoires, comme quelques hommes de guerre de son temps, Montluc, par exemple. Mais, dans ses papiers, parmi des rapports relatifs au voyage de Charles-Quint et aux conditions possibles d’un traité de paix définitif avec François I er , on retrouva nombre de notes à lui personnelles pour la plupart écrites en français, datées et numérotées en bon ordre. De ces notes, nous extrayons le bref et curieux fragment qui suit. Pour la commodité de la lecture, nous en avons légèrement arrangé le texte, en le respectant dans son essence.
    « Au 19 e de novembre, jour de Sainte-Isabelle. – Revenant de Bayonne où j’avais laissé monsieur le connétable qu’on peut dire aussi brave que l’était le fameux Bayard, mais avec plus de subtilité dans l’esprit ; me trouvant à une bonne demi-lieue du bac de la Bidassoa, tout joyeux de l’heureuse nouvelle que j’apportais à Sa Majesté, d’ailleurs sain de corps et d’âme, j’ai été étonné par une pesante tristesse qui, à l’improviste et sans raison aucune, est tombée sur moi comme un coup d’estramaçon, et j’ai pensé que mon heure de mourir était venue.
    « J’ai donc arrêté mon cheval, beau destrier, par ma foi, noble présent de monseigneur le Dauphin, car ce jeune prince est digne de son valeureux père, pour les caresses et les cajoleries. Or j’ai pu, grâce à Dieu, vérifier que j’étais plein de vigueur et de santé. Voyant que la nuit noire m’allait surprendre dans ce chemin du diable où les charrettes à bœufs ont creusé des ornières à s’y briser les os, j’ai voulu me remettre à un bon galop, et c’est alors que j’ai entendu la voix.
    « Je suis resté sur place, frappé d’horreur, tout couvert d’une sueur glacée, ayant bien compris dès le premier instant que ce n’était pas là une voix vivante.
    « Elle s’est élevée d’abord comme une pauvre

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