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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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où vous mangez ? Pourquoi ne lui avez-vous pas baisé les mains en l’assurant que rien n’éteindra votre flamme et en lui jurant de l’épouser… demain ?
    – Eh ! celle-ci n’est point une princesse. C’est une servante. N’as-tu pas vu qu’elle est un vrai laideron ?
    – Mais vous ne l’avez seulement pas regardée !
    – En est-il besoin pour distinguer une beauté d’un vilain museau ? Je l’ai assez vue, va.
    – Monsieur, voici maintenant une brochette d’ortolans et mauviettes qui me paraît des plus convenables. Vous ne me croirez pas, sans doute, mais elle m’a tout le temps fixé.
    – Cette brochette t’a fixé ?
    – Non, monsieur : la servante. Elle n’avait des yeux que pour moi.
    – Eh bien, il fallait l’embrasser tout d’abord.
    – Monsieur sait bien que cela m’est impossible…
    – Ah oui… à cause de ton impayable vertu !…
    – Non, monsieur : à cause de mon nez trop long. Je n’ai jamais pu atteindre une joue avec mes lèvres. J’ai pourtant essayé en plaçant mon nez dans toutes les positions que j’ai pu. Même à Séville, je m’étais exercé sur un sac de toile empli de son et figurant une tête. Eh bien, monsieur, avec la pointe de mon nez j’ai percé le sac, mais je n’ai pas réussi à l’embrasser. C’est pourquoi je me suis voué au célibat.
    Jacquemin loucha tristement sur son nez.
    – C’est bien fait, dit don Juan. Je t’ai maintes fois proposé de t’en couper la moitié, tu n’as pas accepté sous le prétexte que cela t’empêcherait de te moucher… Ainsi, tu ne te marieras jamais ?
    – Jamais, monsieur, vous pouvez m’en croire.
    – Ainsi, tu es sûr de n’avoir jamais été marié ?
    – Comment, si j’en suis sûr !…
    Don Juan considéra un instant Jacquemin, puis, se renversant au dossier de son fauteuil, partit d’un fou rire qui parut des plus étranges au fidèle serviteur et qui le consterna.
    – Ho ! songea-t-il tout en remplissant le verre de son maître, quelle diantre de question est-ce là ? Si j’en suis sûr de n’avoir jamais été marié ? Tiens ! Il est bien trop sûr de l’avoir été, lui ! Oh ! ce rire finira par m’obscurcir la cervelle… Monsieur, dit-il, voici maintenant le fameux cuissot de chevreuil !
    – Superbe ! dit don Juan qui reprit aussitôt son sang-froid… Qu’est-ce que je risque si je me trompe ? murmura-t-il… Il y a bien sept chances sur dix…
    – Eh bien ? Qu’en dit Monseigneur ? s’écria maître Fairéol, qui avait tenu à escorter la maîtresse pièce du dîner.
    – Magnifique. Asseyez-vous, maître, et me faites raison avec ce verre de vernat.
    – Tout comme le prince de… et le duc de… il n’y a que ces grands seigneurs pour mettre les gens à leur aise, et sans les oreilles… Monseigneur me comble, dit l’hôte en s’asseyant à distance respectueuse. Quant au chevreuil, il est en pleine chair et tué d’avant-hier. Je le ramenai dans ma carriole à onze heures du soir.
    – Neuf chances sur dix ! tressaillit don Juan. Je voudrais bien voir la tête, dit-il.
    – Oh ! c’est jeune et tendre, ça a le bois en dague, Monseigneur va voir ! dit maître Fairéol qui se précipita et cria un ordre.
    On apporta sur un grand plat d’étain la tête du chevreuil dont les bois, en effet, n’avaient pas une pointe.
    – Un brocart, fit don Juan contemplatif. Le chasseur qui a tiré cette bête est un fin connaisseur.
    Maître Fairéol sourit avec modestie et cligna de l’œil. Don Juan l’étudiait comme le chat, de loin, la souris.
    – C’est vous ? dit-il. Permettez que je vous félicite. À votre santé, mon hôte, et à votre adresse !
    – Monseigneur est trop bon…
    – Non pas !… Je gagerais bien que vous l’avez tué dans cette forêt qui… vous savez bien ?…
    – La forêt de Saint-Laurent, monseigneur, dit maître Fairéol qui cligna encore de l’œil.
    – C’est justement cela. J’y chassai l’an dernier. La forêt de Saint-Laurent !… Beau domaine royal, sur ma foi !
    Et don Juan attendit sa réponse. Le digne hôte se mit à rire.
    – Ma foi oui ! dit-il. Beau domaine royal, qui ne vaut pas cependant la grande hêtraie de Villamblard où, par les nuits de lune, on peut saluer de loin quelque beau cerf…
    – Vous m’emplissez d’admiration, mon hôte. Aussi bien me disais-je : voici une bête qui est trop jolie pour n’avoir pas été empruntée aux forêts du

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