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Don Juan

Don Juan

Titel: Don Juan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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chagrin pour lui. Ce que je fais là n’est pas d’un loyal serviteur. Mais tant pis ! En amour, chacun pour soi, que diable !
    La journée se passa en pensées agréables et projets d’avenir.
    Jacquemin Corentin dîna et soupa de fort bon appétit, puis continua de boire.
    Le soir vint.
    Il commença à vider une nouvelle série de flacons.
    À la cinquième bouteille de cette nouvelle série, Jacquemin se disait :
    – Mais pourquoi m’appelle-t-elle Jacquemin de Corentin ? Pourquoi veut-elle que je sois comte breton ?… Au fait, pourquoi ne serais-je pas noble, moi aussi ?… Noble ? Soit. Mais breton ?… Pourquoi breton ?…
    Corentin commença avec lui-même une longue et diffuse discussion sur la question de savoir si décidément il était Parisien de la rue de Saint-Denis, comme il l’avait toujours cru, ou si, par hasard, il n’était pas né en Bretagne.
    – Et pourquoi ne serais-je pas de Bretagne ? On rencontre à chaque instant de fort honnêtes gens qui sont de ce pays, et nul ne songe à s’en étonner. Ah çà ! pourquoi m’étonnerais-je si fort d’être de Bretagne ?… Le fait est que je l’ai toujours ignoré, mais enfin ce n’est pas une raison… On peut bien être Breton sans le savoir…
    Ce fut à ce moment que Juan Tenorio rentra à la Devinière. Ce fut, disons-nous, à ce moment que Jacquemin Corentin se leva à la grâce de Dieu, et allant tant bien que mal à son maître, lui dit en bredouillant :
    – Ah ! monsieur, j’ai du nouveau à vous apprendre… une étrange nouvelle à vous annoncer !
    – Qui t’a permis de t’enivrer ? dit don Juan.
    – Monsieur, dit Jacquemin, je ne suis pas ivre ; c’est l’étonnement qui me brise les jambes, c’est la joie qui me tourne la tête. Et, d’abord, apprenez que je ne suis pas natif de la rue Saint-Denis comme je vous l’ai toujours dit, mais de la Bretagne. Je suis Jacquemin de Corentin, comte breton…
    – Ah ! ah ! fit don Juan qui examina attentivement son digne serviteur. Qui t’a appris cela ?…
    – Qui ?… Ma fiancée elle-même… Monsieur, je ne me connais ni père ni mère… Pourquoi ne serais-je pas de Bretagne, moi ?
    – Au fait ! Pourquoi n’en serais-tu pas ?
    – Pourquoi ne serais-je pas comte breton ?
    – Je ne vois pas du tout pourquoi tu ne le serais pas.
    – Vous voyez !…
    – Sans doute. Mais comment sais-tu tout cela d’aujourd’hui ? Jacquemin se redressa, considéra don Juan avec quelque pitié, se pencha, et murmura :
    – Par ma fiancée… par cette jolie petite Denise à qui vous fîtes les yeux doux. Peine inutile, monsieur, je vous en préviens : c’est moi qu’elle aime…
    – Elle te l’a dit ?…
    – En propres termes : « J’aime le seigneur Jacquemin de Corentin, comte breton. » Voilà ses paroles. OrJacquemin de Corentin, c’est moi. Seulement, monsieur, je vous prierai de ne pas détromper cette pauvre enfant au sujet de ma seigneurie. Elle m’aime, et c’est ce qui fait qu’elle me croit… Mais qui sait si c’est elle qui se trompe ? Qui sait si elle n’a pas appris je ne sais quoi touchant ma naissance ?
    Don Juan écoutait tout cela avec une étrange gravité. Un soupir gonfla sa poitrine et Jacquemin se dit :
    – Il ne rit plus. C’est moi qui devrais rire. Mais le ciel ne me fit point cruel.
    Don Juan, doucement, reprit :
    – Puisqu’elle t’aime, Jacquemin, épouse-la.
    – Monsieur, dit résolument Corentin, c’est ce que je compte faire, pas plus tard que dans trois jours. Vous ne m’en voulez pas, au moins ?
    – Moi ? Au contraire. Je suis si satisfait de ce que tu m’apprends que je veux moi-même faire ton mariage.
    – Vous voulez… vous-même ?
    – Faire ton mariage. Ne t’en inquiète pas. Mais, dis-moi, ne m’as-tu pas informé que, quand tu te maries, il est dans ton habitude de donner ton nom à celle que tu épouses ?
    – En France, monsieur, c’est la coutume, et je compte m’y soumettre.
    – Bon. Je donnerai donc ton nom à cette petite intrigante de Denise, puisque tu le veux absolument. Va te coucher, Corentin, va dormir et tâche de faire d’heureux rêves.
    – Merci, monsieur, dit Jacquemin ému du ton de douce gravité de son maître.
    Et il s’en fut chercher les heureux rêves que, si généreusement, on lui souhaitait. Mais longtemps, avant de s’endormir, il fut tourmenté par la question de savoir en vertu de quelle lubie Denise voulait

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