Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie
cavaliers possesseurs de fiefs qui correspondent à nos anciens fiefs à haubert ou aux fiefs d'écuyers. Le corps qu'il commande comprend aussi les cavaliers possesseurs de terres allodiales, mais grevées du service militaire à peu près comme les anciens spahis de l'Empire ottoman, et les cavaliers étrangers entretenus provisoirement par des allocations en argent ou en nature. Tous ces cavaliers sont compris sous le nom générique de Meuzeuzos , en opposition aux seigneurs de fiefs importants qu'on nomme Mokouannens . Ces derniers correspondent à nos chevaliers à bannière; ils ont ordinairement le droit de se faire précéder de trompettes et d'un tambourin, ou bien de flûtes, et ils relèvent sans intermédiaire de la suzeraineté du Dedjazmatch. Ce Chalaka est l'intermédiaire des cavaliers meuzeuzos pour tous leurs rapports avec le Dedjazmatch, et, lorsque l'armée est réunie, il juge en premier ressort des procès civils et correctionnels qui s'élèvent entre eux. Il veille à la disposition et à l'ordonnance générale du camp, et décide de tous les différends relatifs à l'emplacement des divers corps. La veille d'un festin, il reçoit avis du chef des gardes de l'alga du nombre de places réservées aux hommes de son corps, et c'est lui qui répartit les invitations nominatives. Debout durant les festins, il se tient au bas bout de la table pour faire introduire ceux qu'il a invités, maintenir l'ordre parmi eux, et user éventuellement, vis-à-vis du Biarque, de son droit de représentation au sujet de la mauvaise distribution de l'hydromel parmi ses meuzeuzos. Il a ses grandes et petites entrées chez le Dedjazmatch, et souvent une place au Conseil. Il jouit des profits d'un patronage étendu et reçoit l'investiture d'un fief, ce qui lui permet d'enrôler pour son compte de 100 à 300 combattants. Parmi les cavaliers dont le Dedjazmatch lui confie le commandement, il se trouve ordinairement des guerriers de marque, hautains, ardents, susceptibles et ambitieux; aussi est-il nécessaire qu'il soit d'une bravoure incontestée, qu'il ait du tact et de l'entregent, qu'il soit bon feudiste, expert à décider des cas militaires, juge éclairé des prérogatives, des us et de l'étiquette des camps. Cette charge est fort considérée et conduit le plus souvent aux hautes dignités. Il campe sous une tente blanche, dans un cercle formé par ses Meuzeuzos, de façon à former le front du campement général. Il doit consulter le Dedjazmatch pour la nomination des officiers sous ses ordres. Ce corps de Meuzeuzos, chez le Dedjadj Guoscho, fournissait près de 3,000 cavaliers.
La bande commandée par le Meuzeuzo Chalaka est composée, comme on le voit, de cavaliers dont chacun est investi, soit d'un fief roturier, soit d'un fief boursier, d'un pied de fief ou d'un fief en l'air, tous liges. Ces fivatiers ont, comme les Mamelouks, un certain nombre de suivants combattant, soit à pied, soit à cheval; les bandes commandées par les autres Chiliarques sont composées presque en totalité de fantassins et de cavaliers qui servent pour une solde ou même pour une simple soutenance, et jouissent par conséquent d'une considération moindre. Pour régir la troupe sous ses ordres, le Meuzeuzo Chalaka, comme tous les Chalakas, nomme un End-ras-i ( semblable à ma tête ), ou premier lieutenant, un Tekouatari ( comptable ), un Aggafari ( gardien ), un Wouzifiadj , ou suppléant, et des Alakas , espèce de centurions, qui commandent les compagnies dont l'effectif varie de 60 à 200 hommes. Chaque Alaka nomme pour sa compagnie un End-ras-i, un Tekouatari, un Aggafari, des Keunates ( cinquanteniers ). Ceux-ci, enfin, nomment des dizainiers.
Aucune de ces subdivisions ne sert, comme chez nous la compagnie, d'unité pour les manœuvres; les mouvements de ces bandes s'exécutent au moyen de passe-paroles, si la distance ne permet pas d'entendre la voix du Chiliarque. La paye n'est faite qu'à des époques irrégulières; elle est calculée sur ce qu'il faut pour l'acquisition du vêtement. Chaque homme se charge ordinairement d'acheter le sien au marché. Son cheval ou sa mule et ses armes, à l'exception des carabines, sont sa propriété; ses profits licites et ses exactions subviennent amplement à leur renouvellement, et lui permettent même d'amasser un pécule. Il reçoit du grain, dont une partie lui sert à échanger contre les quelques autres substances alimentaires qui composent sa nourriture, quand la
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