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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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souhaiter de trouver où tu vas des amis comme nous. C'est bien pour ce matin, n'est-ce pas? Eh bien! nous allons nous ceindre et monter à cheval.
    On vint me prévenir que les membres du conseil étaient entrés chez le Prince lorsque j'en sortais; que le Blata Teumro lui avait représenté que si mon départ lui était pénible, c'était à lui de l'empêcher; que le bien-être étant le but de tous les hommes, il n'avait pour me faire rester qu'à me donner une position qui satisfît mon ambition. Le Prince aurait répondu: «Certes, nous nous étions habitués à le considérer comme un des nôtres; mais il dit qu'il reviendra, et il donne pour motif de son départ un engagement pris avec son frère, fils de sa mère, qu'il va rencontrer à Moussawa. Les gens de son pays passent pour véridiques; pourquoi nous abuserait-il? J'ai prévenu Birro, chez qui il devra s'arrêter; Birro, qui est plus de son âge, saura peut-être l'empêcher d'aller plus loin. Si son destin est de se restituer à la terre dans le pays de ses pères, nous chercherions vainement à l'arrêter ici; si c'est dans notre pays, les sentiers qui en éloignent se fermeront d'eux-mêmes devant lui, et notre pain le ramènera. Allez! et que Dieu vous récompense pour le zèle que vous me montrez.»
    En sortant, le Blata Teumro et le Blata Filfilo vinrent me faire leurs adieux; et mes apprêts terminés, j'allai prendre congé de Monseigneur. Il était seul, à demi-couché sur son alga; il ne répondait que par des signes de tête au peu que j'avais à lui dire, lorsque Ymer Sahalou, sans être annoncé, releva le rideau de la tente. Il était ceint, armé, un petit fouet à la main et portait la toge rejetée sur les épaules comme un homme prêt à l'action:
    —Allons, mes seigneurs, dit-il, puisque cela doit être, que cela soit avant l'ardeur du jour. Tu as une longue traite à faire, Mikaël.
    —Mon fils, me dit le Dedjazmatch, que Dieu te guide dans le bien; qu'il t'affranchisse des mauvais; qu'il épargne ceux que tu aimes, et qu'il te rapproche d'eux. Va; et ne nous oublie pas.
    À chacun de ces souhaits, Ymer répondait: Amen! Et voyant que j'hésitais à sortir, il me dit vivement:
    —Prends-le, embrasse-le, tu ne sais donc pas qu'il faut oser pour lui?
    Le Prince sourit et me donna l'accolade.
    Un grand nombre de notables m'attendaient à cheval sur la place; ils m'entourèrent et nous nous frayâmes lentement un passage à travers les gens de l'armée accourus de toutes parts. À la sortie du camp, des bandes de fantassins et de cavaliers venus pour me faire aussi la conduite se joignirent à nous, tant on mettait d'émulation à plaire au Dedjazmatch en me rendant ces honneurs extraordinaires, car j'étais loin de connaître personnellement tout le monde.
    Après un quart-d'heure de marche environ, je fis halte, et selon l'usage, je dis aux principaux chefs:
    —Mes seigneurs, je vous en prie, par la mort de Guoscho, retournez-vous en!
    —Par la mort de Guoscho, non, non; allons! répondirent-ils.
    Et on allait, sans parler, lorsqu'une poétesse qui montée en croupe derrière un soldat, semblait chercher des inspirations en chantonnant des lieux communs sur un ton plaintif, m'interpella tout à coup:
    —N'as-tu pas vergogne, dit-elle, de déserter de la sorte notre maître, resté seul dans sa tente? Et ne sommes-nous pas dignes de pitié de nous affliger ainsi, un lendemain de victoire, pour le départ d'un seul homme?
    Je répondis qu'eux étaient moins à plaindre que moi, puisqu'ils étaient si nombreux pour se partager les regrets d'un seul, tandis que j'étais tout seul pour porter les regrets de tant d'amis. Ymer Sahalou rendit ma pensée à haute voix et en langage choisi.
    —Voilà qui est parlé! s'écria la poétesse en se frappant la poitrine; ô aveugle que j'étais! Par la mort de Guoscho, voyez donc, messeigneurs! Du pays de Jérusalem nous est venue notre lignée d'empereurs; de là aussi nous est venue notre religion; le même pays nous envoie les étoffes de soie, les essences parfumées, et voici encore qu'il nous a envoyé la véritable amitié.
    Et comme les préfices aux funérailles, dans l'antiquité, la commère, continuant à broder sur ce thème, finit par émouvoir la multitude.
    Par déférence pour le rang d'Ymer, chacun attendait qu'il prît congé de moi. Je lui représentai la fatigue des rondeliers qui allaient devant nous au pas gymnastique, et je le suppliai d'y mettre un terme en nous

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