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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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guerre, avait suivi son protecteur et avait été fait prisonnier. Quoiqu'il se fût débarrassé de tout ce qui pouvait déceler sa position de fortune, jusqu'à des anneaux d'argent qu'il portait au doigt, un soldat le reconnut au moment où, après le ban de libération, il sortait du camp avec les autres prisonniers, et il fit demander au Prince de récompenser ses services en l'autorisant à rançonner un trafiquant. Mais en apprenant que ce trafiquant était Haylou, le Prince se le réserva pour lui-même, et fixa sa rançon à trente carabines, dont deux fusils de rempart servant à la chasse de l'éléphant, à cent coudées de velours écarlate, à deux cents de drap et cent onces d'or. Haylou jura qu'il avait donné pour la cause d'Ilma le meilleur de son bien et offrit très-peu de chose. On le mit à la torture, au moyen de petits tessons appliqués sur ses poignets par des liens mouillés, dont le rétrécissement graduel amenait de cruelles douleurs; le malheureux appelait la mort. Monseigneur voulut bien consentir à relâcher le prisonnier moyennant caution pour cinq carabines et une somme d'argent insignifiante. Ce Haylou fut le seul prisonnier rançonné à la suite de Konzoula.
    Comme nos gens étaient à court de vivres, Birro fit prévenir les habitants de deux districts des environs que les soldats de son père iraient se ravitailler chez eux. En pareil cas, les femmes se réfugient dans les villages voisins avec les enfants, les valeurs mobilières et le bétail; les hommes, en armes, se rassemblent à l'écart et voient passer devant eux les troupes de pillards sondant la campagne pour découvrir les silos, et emportant les grains en consommation. Quelquefois les soldats mettent le feu aux maisons. Si les paysans sont en force, ils les attaquent, et la connaissance du pays leur donne parfois l'avantage; mais ordinairement ils préfèrent se rendre au camp, où ils intentent contre les coupables une action judiciaire.
    L'arrière-garde des picoreurs a pour fonction de prévenir ces combats en empêchant les incendies, mais on se figure aisément que sa surveillance est inefficace. En Éthiopie, comme dans l'antiquité et jusqu'à une époque récente même en Europe, il est admis que la guerre doit nourrir la guerre. Comme Birro le fit en cette occasion, des Dedjazmatchs pillent quelquefois leurs propres sujets, comme punition ou par suite de quelque nécessité de guerre; seulement, pour éviter l'effusion du sang, ils préviennent les habitants, et, dans le cas de blessure, de mort d'homme ou d'incendie, ils sévissent contre les coupables. La fécondité du sol est telle que lorsque le pillage s'effectue sans combat ou sans incendie, et que la nécessité du ravitaillement leur paraît évidente, les cultivateurs sont les premiers à excuser la mesure qui les prive de leurs réserves alimentaires. Deux ou trois mois plus tard, ils se présenteront devant le Polémarque pour lui demander une exemption temporaire d'impôts, moyennant laquelle ils font renaître promptement l'abondance.
    Comme tous les cultivateurs, les paysans éthiopiens sont rapaces; mais les effets de l'éducation féodale sont tels, que lorsque leur gouverneur a su se faire aimer, il est arrivé qu'allant au devant de sa détresse, ils l'ont engagé à livrer leur localité à un pillage régulier.
    Nos gens s'étant ravitaillés sans accident dans les districts désignés, le Dedjadj Birro partit pour Findja, résidence habituelle des Polémarques du Dambya, après avoir obtenu que son père séjournerait dans les environs de Konzoula, afin de lui permettre de se replier sur lui si le Ras Ali faisait irruption en Dambya. Quinze jours lui suffisaient, disait-il, pour fortifier ses avenues du côté du Begamdir, réduire quelques notables, échappés de Konzoula, qui parcouraient déjà le pays en rebelles, gagner la coopération de ses nouveaux sujets et nouer avec eux des intelligences propres à conserver sa position.
    Non loin de nous, dans le district d'Atchefer, se trouvaient des sources chaudes très-efficaces, disait-on, contre les douleurs rhumatismales et quelques autres maladies. Dans un but ostensible de santé, mais au fond pour voiler ses défiances à l'égard du Ras, et donner un motif plausible à son séjour prolongé en Dambya, Monseigneur jugea à propos de prendre les eaux. Il porta notre camp sur le bord du plateau du woïna-deuga et descendit, avec ses plus intimes familiers, aux sources thermales

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