Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
Vom Netzwerk:
sacrée et nationale, en musique, en poésie, en législation coutumière, savoir monter à cheval, réparer un harnais, nager, tirer la carabine, jouer aux échecs, raisonner les qualités d'une arme, d'un cheval ou d'un chien de chasse, enfin et surtout être affable et poli avec les femmes, les prêtres, les pauvres et les vieillards.
    Les officiers de la maison d'Oubié, profitant de l'ignorance ou de la faiblesse des Européens, avaient aussi pris l'habitude de les rançonner de diverses manières, sous le prétexte de les faire bien venir de leur maître. Ce n'étaient plus des cadeaux qu'on attendait de nous, c'étaient de véritables impôts. Ils nous disaient à brûle-pourpoint que nous étions des grands seigneurs et nous tapaient familièrement sur l'épaule en nous demandant de l'argent. Enhardis par ces exemples, tous les habitants usaient envers nous de façons analogues, et, depuis la Takkazé jusqu'à la mer Rouge, l'Européen, victime de toutes les exactions, était le plus souvent un objet de risée. Quant à moi, je venais du Bégamdir et du Gojam, dont les habitants ont bien plus d'urbanité que dans le Tegraïe; je m'étais associé à la vie des indigènes; je savais ce que je leur devais et ce que tout étranger était en droit d'attendre d'eux, conformément à leurs mœurs. Le compatriote pour lequel je venais de prendre fait et cause méritait d'ailleurs d'être accueilli convenablement; il était docteur en médecine et il collectionnait pour le Jardin-des-Plantes de Paris. Après un long séjour, lorsqu'il comptait retourner en Europe, il fut mangé par un crocodile.
    Le Dedjadj Oubié leva son camp le lendemain et continua sa route vers le Samen.
    De mon côté, je ne tardai pas à m'acheminer vers Moussawa. J'eus à subir en route quelques tentatives de la part des péagers, qui voulurent m'assimiler aux trafiquants et exiger des droits de passage; mais en me reconnaissant, ils se rappelèrent la longue résistance que, mon frère et moi, nous avions opposée dans le Koualla de Maïe-Ouraïe aux exactions de Blata-Guebraïe, et ils se désistèrent de leurs prétentions. J'eus ainsi la satisfaction de recueillir les fruits de notre conduite et de rentrer dans le droit commun.
    Au lieu de suivre la route des caravanes et de passer, comme à mon entrée dans le pays, par Halaïe, je passai par Digsa, village situé à quelques kilomètres plus au Nord. Ces deux villages appartiennent à la puissante tribu qui forme de ce côté la frontière des États d'Oubié, et qui se dit issue de deux frères nommés Akéli et Ogouzaïe. La population de Halaïe descend d'Ogouzaïe, et celle de Digsa d'Akéli; mais nonobstant ce lien de parenté, une grande inimitié séparait ces deux villages: l'un et l'autre soutenaient la prétention de faire passer par leur territoire les caravanes et les voyageurs, et de prélever sur eux les droite d'usage. Parfois ils se disputaient ce monopole les armes à la main, et ils épuisaient leurs ressources pécuniaires pour se le faire concéder par le Dedjazmatch; depuis quelques années, Halaïe l'exploitait, mais avec une rapacité dont les trafiquants se plaignaient avec raison. Je préférai donc passer par Digsa, malgré la fâcheuse réputation de son chef, Za-Guiorguis, qui portait le titre de Baliar-Negach ( roi de la mer .)
    Ce chef me reçut bien; il fit abattre un bœuf pour notre repas et m'offrit de passer quelques jours avec lui; mais j'étais pressé de gagner Moussawa. Les tribus des Sahos qui occupent les bas pays entre le premier plateau éthiopien et la mer Rouge, remplissent de droit les fonctions de guides entre la frontière chrétienne et Moussawa; ce droit donne lieu à des tracasseries et à des contestations dont les trafiquants et surtout les étrangers paient les frais. Pour m'être agréable, le Bahar-Negach exigea que, par exception aux règles établies par les Sahos, je pusse choisir parmi eux le guide qui me conviendrait, avec la faculté de le payer au taux des indigènes; de plus, il me donna son fils aîné, nommé Ezzeraïe, pour m'accompagner durant le voyage.
    Parmi les croyances superstitieuses de l'antiquité qui ont cours dans le Tegraïe, on trouve celle de l'auspicine ou divination par le chant et le vol des oiseaux. Chemin faisant, mon guide Abdallah, me signala à plusieurs reprises des augures de ce genre qui, selon lui, m'annonçaient que notre voyage serait des plus heureux et qu'à la côte je trouverais un ami

Weitere Kostenlose Bücher