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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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contre moi et m'imputent ma confiance à crime; que mon cheval, mes armes et jusqu'à l'herbe des champs, que tout se dresse contre moi; que Dieu fasse un exemple hideux de mon corps sur la terre et de mon âme dans l'éternité! Maintenant, mon frère, dit-il en fermant les yeux, clos mes paupières de ta main, avec la pensée que c'est la mort qui me les scelle, si tu trahis ton serment.
    Je lui obéis. Et à son tour, il me ferma les yeux de sa main, en disant:
    —Que mon frère meure, si je n'accomplis pas ce que je dis!
    Il me fit quelques recommandations relativement à Oubié, m'offrit un sachet contenant de l'or natif, que je refusai, et nous nous quittâmes après une accolade.
    Après une journée de route, j'arrivai à Gondar. Le Lik Atskou parut peu satisfait lorsque je lui racontai comment je venais de quitter le Dedjadj Birro. La nature droite, judicieuse et toute magistrale de mon hôte s'accommodait mal des allures impétueuses de ce jeune prince, et il ne se gênait nullement pour rappeler publiquement sa descendance équivoque du Dedjadj Guoscho et pour improuver sa conduite.
    —On peut bien conduire les hommes à coups de hache, disait-il, et échafauder ainsi un semblant de puissance, mais un jour tout cela croule sous le souffle de Dieu. Si j'étais plus jeune, ajouta-t-il, c'est en France que je t'engagerais à retourner, afin d'y aller avec toi; mais je suis trop vieux, et puisque tu dois revenir à Gondar, tu pourras au moins me fermer les yeux. Triste temps que le nôtre!
    Il m'engagea à resserrer ma confiance à la cour d'Oubié; et, selon son habitude, il me congédia sur le seuil de sa maison, en me donnant sa bénédiction.
CHAPITRE XI
    VISITE AU DEDJADJ OUBIÉ—RETOUR À MOUSSAWA—QUERELLE AVEC LE DEDJADJ OUBIÉ—RAPPORTS DU GOUVERNEMENT BRITANNIQUE AVEC LA FAMILLE DE SABAGADIS—DÉPART POUR ADEN.
    Comme les soldats de Woldé Teklé rôdaient sans cesse autour de Gondar, je partis de nuit, sans bagage d'aucune sorte et comptant vivre d'hospitalité. Je n'étais accompagné que d'un seul fusilier et d'une douzaine de rondeliers; mon cheval, conduit à la main, ouvrait notre marche: son riche harnais et sa belle apparence nous attiraient des marques de respect le long de la route. Nous cheminâmes à petites journées, de façon à faire étape dans les localités les mieux pourvues; mais notre régime était fort inégal. Un soir, nous nous présentâmes à un village dont l'aspect prospère nous promettait bon repas et bon gîte: on nous assigna la maison des étrangers, qui se trouve dans la plupart des villages des hauts pays et qu'on donne ordinairement aux voyageurs de peu d'importance. Selon l'usage, mes gens y brûlèrent une poignée de paille afin d'y faire entrer mon cheval, car on croit vulgairement que les farfadets, lutins et autres esprits malfaisants hantent l'habitation dont le foyer n'est pas entretenu. Mais nous attendîmes vainement notre souper, et, vers dix heures, nous nous arrangions pour dormir à jeun, lorsque nous entendîmes un de mes hommes qui, pressé par la soif, était allé demander un peu d'eau dans le voisinage et qui se querellait violemment. J'envoyai deux de ses camarades pour le ramener; le train augmenta; le reste de mes gens courut au secours; les thèmes de guerre commencèrent, et je sortis moi-même. Les femmes, aux portes, éclairaient avec des torches; une vingtaine de paysans armés tenaient mes gens en échec; mon unique fusilier, un tison à la main, cherchait à allumer sa mèche récalcitrante: «Dispersez-vous, imprudents!» criait-il, en dirigeant la gueule de son arme sur les femmes, qu'il mit ainsi en déroute. Mes gens profitaient de l'obscurité pour donner contre leurs adversaires, lorsqu'un abbé, accompagné de cinq ou six clercs tenant des flambeaux, accourut sur un petit tertre, d'où il lança contre tout le monde des excommunications répétées. Nous pûmes séparer les combattants, et l'abbé, qui était chef du village, nous reconduisit jusqu'à notre demeure. Une instruction sommaire, faite de concert avec lui et quelques anciens, nous apprit que mon soldat ayant trouvé des habitants buvant de la bière, leur avait demandé de l'eau, et qu'ayant essuyé des rebuffades appuyées d'un coup de bâton, dont il chercha du reste vainement la marque, il avait mis flamberge au vent. Si ce n'est une égratignure faite à un de mes hommes, les boucliers seuls portaient de part et d'autre la trace des coups. L'abbé et son

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