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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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anthropographie; mon but est de relater ses faits et ses gestes contemporains, et comme, dans le drame de la vie, il existe des corrélations étroites entre le physique de l'acteur et son rôle, je crois nécessaire de décrire l'Éthiopien tel qu'il frappe les yeux, et même de parler avec quelques détails de ses vêtements et des accessoires qu'il joint à sa personne, accessoires auxquels il communique quelque chose de sa personnalité et qui, par une réaction naturelle, ne sont peut-être pas sans influer à leur tour sur son être physique et moral.
    Les Éthiopiens ont en général les traits de ce qu'on appelle communément la race caucasienne; souvent ils représentent le type des statues des Pharaons, ou bien la physionomie de l'Arabe et quelquefois du Cophte; on trouve aussi parmi eux des hommes rappelant par leurs types et leurs allures l'Indien de Coromandel et de Malabar, des physionomies juives du plus beau modèle, des sujets accusant à divers degrés l'immixtion du sang nègre, et enfin, dans les deux provinces Agaw, un type étrange, aux yeux relevés vers les tempes.
    Les Éthiopiens sont d'une stature moyenne; leur ossature est plus légère que celle de l'Européen, leur carnation plutôt molle; leur angle facial est ouvert comme celui des Caucasiens et leur front développé; leurs attaches sont fines, leurs mains petites et bien faites, leurs membres inférieurs plutôt grêles. Ils ont en général le mollet placé trop haut, les genoux ou les pieds cagneux, le talon plutôt saillant, le pied charnu et plat et les jambes rarement velues; leur denture est presque toujours irréprochable et leur musculature moins saillante que chez l'Européen ou le nègre. On trouve parmi eux très-peu d'hommes contrefaits et peu d'une grande force musculaire; leurs formes se rapportent plutôt au type d'Apollon qu'à celui d'Hercule. Ils sont adroits, souples et gracieux dans leurs mouvements; ils ont la démarche libre, assurée, le geste sobre, distingué, sont peu aptes aux gros travaux, mais résistent admirablement à la faim et aux fatigues de longue durée. Leur peau, d'une douceur remarquable, fournit des spécimens de toutes les nuances de coloration, depuis le teint pâle ou légèrement cuivré du Chilien de souche espagnole, jusqu'au teint noir du Berberin ou du nègre; le teint bronze florentin est celui de la majorité. Il n'est pas rare de trouver des hommes d'une très-grande pureté de traits et des femmes d'une beauté accomplie. Ils ont plusieurs termes pour désigner les nuances de teint si diverses de leurs compatriotes et n'admirent que médiocrement le teint européen, qu'ils nomment teint rouge; ils prisent bien davantage le teint pâle légèrement doré. Du reste, dans leur pays, sous leur ciel inondé de lumière et dans leur atmosphère sèche et diaphane, le teint de l'Européen est loin d'être préférable: il se hâle et brunit, il est vrai, mais s'injecte inégalement et devient rouge par places, tandis que celui de l'indigène reflète la lumière d'une façon douce et harmonieuse.
    Les Éthiopiens vont habituellement pieds et jambes nus; ce n'est que par exception qu'ils usent de chaussures. Quoique exposés à marcher sur les terrains les plus raboteux, les paysans et les soldats surtout mettent de l'amour-propre à ne point garantir leurs pieds. Ils regardent comme une preuve de santé et de virilité de pouvoir fouler impunément depuis le tapis moelleux des prairies, fréquentes dans les deugas ou hauts pays, jusqu'au sol calciné et brûlant des kouallas ou basses-terres, ordinairement parsemés d'épines et de cailloux anguleux; la plante de leurs pieds acquiert une épaisseur et une élasticité étonnantes pour ceux qui n'ont pas été à même de faire l'essai toujours pénible de marcher de la sorte. Les chefs et les hommes riches, allant habituellement à mule ou à cheval, ont les pieds moins endurcis que les hommes du commun, et, soit à la chasse, où il est presque toujours indispensable d'être pieds nus, soit au combat, lorsqu'ils sont forcés de mettre pied à terre en terrain difficile, ils éprouvent fatalement quelquefois l'effet de leurs habitudes sédentaires ou efféminées. De même que les Arabes, ils croient que la plante des pieds résiste en raison de l'état de santé des organes abdominaux et surtout de l'estomac; que l'homme chez lequel ces organes s'altèrent éprouve à la plante des pieds une impressionnabilité qui disparaît au retour

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