Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie
hidalgo, veut dire fils d'homme. Ilmorma fait Oromo au pluriel; mais pour simplifier l'introduction dans notre langue de ce terme de relation, je formerai le pluriel d'Ilmorma en ajoutant un s au singulier, ce qui du reste ne serait pas inintelligible pour les indigènes.
Cependant, le bruit que le Prince allait réunir son armée pour faire une campagne chez les Gallas prenait de la consistance, et un jour j'entendis une rumeur et de grands cris sur la place. On m'apprit qu'un timbalier venait de proclamer le ban de guerre, ordonnant à tous ceux qui devaient le service militaire de se rendre auprès du Dedjazmatch. Après le repas du soir, il me dit que les événements qui se passaient en Bégamdir l'empêcheraient peut-être de quitter le Gojam, mais qu'il voulait au moins intimider les Gallas, en réunissant ses troupes. Il ajouta qu'en tous cas je l'accompagnerais, et il ordonna à son Azzage ou Biarque en chef, de pourvoir à ce qui me serait nécessaire durant la campagne. Quatre jours après, nous quittâmes Dambatcha, suivis de huit à neuf cents lances et trois cents fusiliers seulement, et nous campâmes à quelques milles de la ville.
Je passai la nuit à observer les aspects, si nouveaux pour moi, de la vie militaire éthiopienne.
L'armement du cavalier consiste en un bouclier, un sabre et une ou deux javelines. Son bouclier ou rondache, fait en peau de buffle, est rond, comme le clypeus romain, et garni d'un umbon ou partie proéminente au centre; son diamètre est entre 60 et 70 centimètres. Les sabres sont de deux sortes: les uns ressemblent à nos demi-espadons de la cavalerie légère, en usage du temps du Directoire; les autres sont à deux tranchants, d'une longueur qui varie entre 80 et 140 centimètres, et recourbés au point de ressembler à une monstrueuse faucille à deux tranchants, rappelant beaucoup le harpé des gladiateurs thraces. La poignée de ces armes est en corne, sans garde ni branches d'aucune sorte; les fourreaux, en peau crue, sont recouverts en maroquin rouge, sans bélière; le fourreau du harpé est garni d'une bouterolle en forme de boule. Quant aux dards et javelines, leur longueur varie entre 1 mètre 60 et 2 mètres 20; le fer, depuis la douille jusqu'à la pointe, a une longueur qui varie de 30 à 80 centimètres. Ces armes présentent une grande variété de formes; on y retrouve l' espafut longue, large, à deux tranchants, la framée , la demi-pique , la guisarme , la tragule , l' esclavine , le carrel et la zagaye . L'extrémité inférieure de la hampe est garnie d'une spirale en fer qui sert de contre-poids et de frette.
Toutes ces armes sont d'une acération très-imparfaite; aussi, les demi-espadons d'Europe, fabriqués d'une certaine façon, sont-ils très-recherchés et atteignent-ils quelquefois le prix du plus beau cheval.
Le corps de la selle est formé de deux petites planchettes ou semelles, recouvertes de peau de bœuf verte et rasée. Ces planchettes, espacées parallèlement à l'épine dorsale du cheval, sont reliées entre elles par un arçon droit à courbet et un troussequin faits d'un bois très-léger recouvert d'une espèce de parchemin, et hauts de quatre à six pouces. Les étriers sont en fer très-léger aussi, et, comme l'étrier antique, ne permettent que d'y passer l'orteil. Une peau de mouton garnie de sa laine sert de coussinet et empêche les planchettes de blesser le dos du cheval. Un tapis de selle en drap rouge ou en basane, fendu au troussequin et à l'arçon, remplace les quartiers et tombe de chaque côté du cheval en deux longues pointes. Une croupière, une sangle et une poitrinière assujétissent cette selle, aussi légère que nos selles de course. La tête du cheval est garnie d'un licol en cuir dont la longe est passée à l'arçon, et d'une têtière sans sous-gorge. Une lanière étroite, partant du fronteau à la muserolle, soutient quatre ou six petites rondelles en laiton poli, qui ballottent sur le chanfrein et miroitent à tous les mouvements du cheval. Le mors, semblable à celui des chevaux arabes, a un anneau pour gourmette; les rênes sont comme celles dont se servaient nos chevaliers du moyen-âge. Chaque cavalier porte suspendue sous son tapis de selle une bougette contenant un tranchet, quelques fines lanières et une alène pour raccommoder au besoin son harnais. Les simples cavaliers suspendent aussi à l'arçon un faucillon servant à couper l'herbe. Tous montent à cheval en fauconnier,
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