Druides et Chamanes
qui s’accumulent sur son passage, il parvient dans un espace dégagé qui lui permet d’apercevoir, au fond, le Château Vert tant recherché.
Mais les épreuves ne sont pas terminées. Il entre dans la cour, mais toutes les portes sont fermées. Il ne se décourage pourtant pas. « Il parvint à se glisser dans une cave par un soupirail, puis, de là, il monta un escalier et se trouva dans une grande salle magnifique et remplie de lumières de toutes les couleurs. Il n’y avait personne. Izanig appela, mais en vain, car personne ne lui répondit. Il y avait six portes qui donnaient sur cette salle, et en approchant de l’une d’elles, Izanig fut très surpris de voir qu’elle s’ouvrait d’elle-même. Il passa ainsi dans une autre salle, encore plus belle et plus lumineuse. Et trois portes donnaient sur cette salle. L’une d’elles s’ouvrit quand il arriva à proximité, et il pénétra dans une troisième salle. » C’est ainsi qu’il retrouve sa sœur, endormie, qu’il réveille par un baiser. Il apprend alors que le mari de celle-ci est tout simplement le soleil. Enfin, après avoir accompagné celui-ci dans sa tournée journalière, il transgresse certains interdits imposés et doit revenir dans son pays d’origine où il meurt quelque temps après {75} .
La trame de ce récit, assez touffu mais très détaillé, est d’une netteté absolue : il s’agit bel et bien d’un voyage chamanique dans l’Autre Monde. Que veut en effet le jeune Izanig ? Retrouver sa sœur, non pas tellement pour la ramener, mais pour savoir quelle est sa situation exacte. Il entreprend donc cette quête vers un pays dont il ignore tout, mais qui est rempli d’embûches et de dangers. Tout cela est évidemment du domaine du fantasme. Izanig se conduit comme un chamane qui se plonge dans un état d’extase prolongé qui permet à son « double » de parcourir des régions interdites. Conduit par des guides rencontrés au hasard de ses errances, et aussi par son cheval qui semble bien être l’équivalent de la déesse jument Tereza du conte de Koadalan (thème bien connu du cheval psychopompe), il annihile peu à peu toutes les apparitions qui se présentent à lui et qui sont autant d’obstacles à sa pénétration dans le monde souterrain. Et, dans ce monde souterrain, il découvre la « lumière », cette mystérieuse lumière qui n’éclaire pas les vivants, mais qui régit le monde des dieux et des héros de l’ancien temps. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que cette pénétration des zones interdites ne se fait pas sans difficultés, car l’univers d’en-bas est bien souvent rempli de monstres qui font fuir ceux qui n’ont pas le « rameau d’or » ou quelque chose qui en tient lieu.
Il existe une synthèse courte et remarquable par sa concision de cette tentative de pénétrer dans l’Autre Monde souterrain. Elle est contenue dans un épisode du récit gallois de Peredur , version archaïque et populaire de la Quête du Graal christianisée au XII e siècle par Chrétien de Troyes et ses successeurs. Le héros, qui est incontestablement le prototype de Perceval le Gallois, se trouve un jour, au cours de son errance, à la mystérieuse cour du « Roi des Souffrances ». Il est témoin d’étranges pratiques. Tous les soirs, un cheval apporte le cadavre d’un des fils du roi et, tous les soirs, des femmes jettent le corps sans vie dans une cive (ou un chaudron), dans laquelle il renaît. À la demande d’explications formulée par Peredur, on répond que ces fils du roi sont tués chaque jour par un monstre, l’ Addanc , qui a sa tanière dans une grotte des alentours. N’écoutant que son courage – ou plutôt son inconscience –, Peredur décide de combattre le monstre et de l’empêcher de nuire à jamais.
Mais une décision courageuse et volontaire ne suffit pas. Peredur se lance à la recherche de la grotte où se tapit le monstre, sans trop savoir où il va. C’est alors qu’il rencontre, assise sur le haut d’un mont, la femme la plus belle qu’il eût jamais vue (chaque femme que Peredur rencontre est toujours la plus belle !). « Je connais l’objet de ton voyage, dit-elle ; tu vas te battre avec l’ Addanc . Il te tuera, non par vaillance, mais par ruse. Il y a, sur le seuil de sa grotte, un pilier de pierre. Il voit tous ceux qui viennent sans être vu de personne et, à l’abri du pilier, il les tue tous avec un dard empoisonné. Si tu me donnais ta
Weitere Kostenlose Bücher