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Druides et Chamanes

Druides et Chamanes

Titel: Druides et Chamanes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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tout son délirant discours, est évidemment à double sens : « Là-haut, en l’air, j’ai une grande salle où je demeure ; elle est faite de verre, belle et grande ; au beau milieu, le soleil y darde ses rayons. Cette salle est suspendue en l’air et pend dans les nues ; quel que soit le vent, elle ne chancelle ni ne balance. À côté de cette salle se trouve une chambre faite de cristal et richement lambrissée. Quand le soleil se lèvera demain, il y répandra une grande clarté. »
    On est ici en plein cœur du mythe celtique. Cette « chambre de soleil » dans laquelle Tristan prétend pouvoir accueillir Yseult dans les meilleures conditions possibles est un lieu d’amour absolu, une sorte d’athanor dans lequel s’accomplit la fusion alchimique de deux êtres, mâle et femelle (soufre et mercure dans le langage alchimique), sous les rayons recréants du soleil, qui est le Feu de l’Esprit, symbole de l’intelligence créatrice, autrement dit de l’Énergie divine. Car, il faut le répéter, il n’y a que trois éléments fondamentaux, et non pas quatre comme on le croit généralement : la Terre, l’Eau et l’Air, le Feu n’étant que le mouvement qui métamorphose les éléments entre eux. Le Feu n’existe pas en lui-même, mais sans lui, les éléments, non animés, seraient pur néant, et sans les éléments qu’il anime, le Feu n’a aucune raison d’être.
    Mais la « chambre de soleil » est aussi un lieu de connaissance, ou plutôt d’illumination, et le séjour du héros dans la lumière du soleil équivaut à une période d’initiation à un plus haut niveau de conscience, thème chamanique s’il en fût, qui permet d’acquérir ce fameux don de double vue tant recherché mais qu’il faut toujours mériter au terme de multiples épreuves. Ainsi, dans sa quête presque désespérée de la jeune fille qui lui est destinée mais dont il ne sait rien, le héros Art, fils du roi Conn aux Cent Batailles, passe nécessairement chez une mystérieuse reine des fées, et il y est fort bien reçu en sa chambre de cristal : « Art se pencha et vit, ébloui, des parois de cristal qu’éclaboussait la lumière du soleil en déversant mille irisations sur des arbustes dont les fleurs répandaient des parfums inconnus ; belle était l’apparence de cette chambre, avec ses ornements d’or et de pierres précieuses sertis dans les murs, avec ses sièges en bronze tapissés d’étoffes soyeuses, avec ses cuves qui, au milieu, semblaient emplies de l’hydromel le plus fin et le plus savoureux. » Et on lui apprend que « quelle que soit la quantité qu’on boive dans ces cuves, elles sont toujours pleines {95}  ». Et c’est seulement après un séjour « d’une nuit et un mois dans cet endroit paradisiaque que le jeune Art trouvera son chemin au travers des multiples dangers qui se dressent devant lui, et parviendra enfin au but qu’il s’est fixé ».
    Il y a, dans la tradition celtique, bien d’autres références à cette « chambre de soleil », dite également « chambre de cristal ». Ainsi, dans le cycle ossianique, la jeune et belle Grainné, dont le nom provient du gaélique grein , « soleil », et qui est le prototype de l’Yseult médiévale, explique comment elle est tombée amoureuse du beau Diarmaid, lui-même prototype de Tristan : « Dans ma chambre à la belle vue, à travers mes fenêtres de verre bleu, je t’ai aperçu et je t’ai admiré. Et je tournai la lumière de mes yeux sur toi ce jour-là, et depuis je n’ai jamais donné mon amour à un autre que toi et je ne le ferai jamais. » Il faut également se souvenir que, par amour pour la fée Viviane, l’enchanteur Merlin se laisse enfermer magiquement par celle-ci dans une tour invisible qui ressemble bien à ces « tours de verre » que certains navigateurs découvrent en plein océan, et dont les occupants sont muets, c’est-à-dire qu’ils appartiennent à l’Autre Monde.
    D’ailleurs, dans le légendaire gallois, cet Autre Monde est souvent appelé Kaer Wydr ( Castrum Vitreum en latin), c’est-à-dire « la Cité de Verre ». Ce qui nous ramène au mystérieux royaume de Gorre, décrit par Chrétien de Troyes dans son Chevalier à la charrette , royaume régi par l’étrange Méléagant ( Maelwas en gallois), dont, dans son autre récit, Érec et Énide , le même Chrétien de Troyes nous dit que c’est « un haut baron, le seigneur de l’Île de Verre ». En

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