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Druides et Chamanes

Druides et Chamanes

Titel: Druides et Chamanes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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oublier que le mot lex , la « loi », provient de la même racine que logos , et s’apparente à legere qui, avant de prendre le sens de lire, signifie avant tout « cueillir, choisir ». L’idée de « choix » suppose donc un certain parti pris et la préférence pour une certaine conception, préférence qui élimine toutes les autres.
    Dans ces conditions, il serait tentant de définir le muthos comme étant tout ce qui n’est pas logos . Mais il y aurait à débattre sur des nuances : le muthos aurait-il précédé le logos , ou bien serait-il un logos dégénéré ? En réalité, le mot « mythe » est devenu confusionnel. Pour la plupart des gens, c’est ce qui n’est pas vrai . Sans discuter la signification qu’il conviendrait de donner à « vrai », il faut avouer qu’on a tout fait pour discréditer le mythe, à n’importe quelle époque, dans n’importe quel système culturel qui se voulait « évolué ». Pourtant, le mythe est une réalité culturelle indéniable : il existe, et cela suffirait à le faire prendre en considération. De toute façon, comme le dit Mircea Éliade, le mythe est « une histoire vraie parce qu’il se réfère toujours à des réalités {168}  ». Évhémère ne disait pas autre chose, lui qui prétendait que les dieux n’étaient que des héros civilisateurs idéalisés et leurs aventures la transposition d’événements historiques.
    Ce n’est pas si sûr, et on peut affirmer le contraire. Les mythes ont souvent provoqué des événements historiques, et le récit de l’Histoire universelle ne serait en dernière analyse qu’une suite de mythes réactualisés et revécus à différentes époques par des personnages prisonniers d’une certaine culture, d’une éducation, d’une direction d’intention, menant ainsi à la constitution d’une idéologie contraignante qui s’appuierait sur une résurgence des mythes, autrement dit une mythologie . En fait, le mythe n’a jamais de forme définitive et ne peut pas en avoir, puisqu’il n’est pas exprimable autrement que par un langage, un logos , quel qu’il soit. Il n’est ni authentique, ni anachronique, et il est impossible d’en entrevoir l’origine ou tout au moins une formulation originelle. Le mythe est en quelque sorte l’esprit qui anime un conte, un récit mythologique. Cet esprit est insaisissable en dehors du contexte dans lequel il se manifeste, de même que la pensée est insaisissable en dehors du langage qui sert à l’exprimer. Et puisqu’on ne peut nier l’existence de la pensée, on ne peut davantage nier l’existence du mythe.
    Dans toutes les cultures soumises à une idéologie officielle, on a fait en sorte de jeter la suspicion sur le mythe en répétant incessamment qu’il n’était pas « vrai ». Un tel jugement de valeur indique la volonté de ces cultures officielles de détruire systématiquement le mythe, et quand cette destruction se révèle impossible, de l’incorporer pour le rendre inoffensif. Car le mythe est nocif dans un cadre social où tout ce qui est établi doit l’être de façon permanente et immuable. Le mythe dérange ; l’univers du logos peut être démoli par l’irruption du muthos . Quand le christianisme s’est implanté dans les pays celtiques, il a absorbé et digéré un certain nombre de mythes druidiques qui lui paraissaient dangereux mais qu’il ne pouvait pas éradiquer : on a donc mis une croix sur d’anciens monuments et on a « canonisé » des héros mythiques. L’Irlande et la Bretagne en sont les preuves manifestes.
    Mais, bien avant cette époque, qu’avaient donc fait les Celtes, sinon récupérer et digérer les mythes des peuples autochtones qu’ils venaient de coloniser ou d’intégrer dans leur système socioculturel ? Si les Romains ont pourchassé et finalement anéanti les druides, c’est parce que leur civilisation, tout entière basée sur le logos , était menacée par celle prônée par le druidisme qui, on le discerne très bien à travers la tradition légendaire, était demeuré beaucoup plus proche d’une civilisation du muthos .
    Il faut donc porter un autre regard sur ces vestiges du passé qu’on puise de temps à autre dans l’insondable puits de mémoire que les civilisations disparues ont légué à la postérité. Si un arbre peut répandre ses frondaisons à chaque nouvelle saison dans le ciel, c’est parce que ses racines se nourrissent de ce qui est contenu dans le

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