Druides et Chamanes
christianisme leurs façons de penser, et consciemment ou inconsciemment, une partie de leurs préjugés, de leurs anciennes croyances, de leurs rites traditionnels {5} . »
C’est donc dans cette direction qu’il faut hardiment s’engager : explorer les traditions occidentales, tant populaires et orales que littéraires (dans la mesure où ces sources littéraires peuvent être considérées comme fiables), en ne négligeant aucun élément d’information. Mais c’est un exercice périlleux, car une telle démarche risque de déboucher sur un confusionnisme à travers lequel il serait impossible de tracer les grandes lignes d’une tradition authentique. Il est donc nécessaire de trier les informations venues de toutes parts et de les analyser de façon à en tirer le maximum de profits. Et ce n’est pas facile. Si le christianisme, d’origine sémitique mais diffusé à travers la philosophie grecque (en fait hellénistique ) et le rationalisme romain, a récupéré des éléments antérieurs, il doit en être de même pour ce qu’on appelle le « druidisme », terme scientifique assez récent qui désigne une religion institutionnelle incontestablement de structure indo-européenne. Ce « druidisme », religion des Celtes historiquement prouvée en Occident à partir des environs de l’an 500 avant notre ère, a dû lui aussi absorber et intégrer des éléments appartenant à des croyances et des rituels provenant de la Préhistoire, notamment de l’époque mégalithique, de l’Âge du Bronze, et des périodes qu’on dit maintenant être « proto-celtiques », sans aucune autre précision que la présence des fameux « champs d’urnes » qui sont à peu près l’unique témoignage sur lequel on peut s’appuyer sans crainte de délirer.
C’est alors qu’intervient fatalement le rôle réel – ou imaginaire – de cet étrange phénomène classé, sans doute arbitrairement, comme étant le « chamanisme », ensemble de pratiques rituelles, magiques et psychiques, qui paraît avoir dominé non seulement l’Europe du Nord, mais la grande plaine nord-asiatique et, par extension, l’aire spécifique des Amérindiens qui, on le sait, sont des Asiates ayant franchi le détroit de Béring à une époque où la banquise reliait les deux continents. Ce « chamanisme » est sans aucun doute quelque chose de très ancien et de très répandu. Mais il consiste en un ensemble de croyances, de rituels et de techniques relevant de la magie, ou même de la médecine, et n’a jamais été une religion , au sens strict du terme, avec une tradition ancestrale, orale ou écrite, des dogmes, une hiérarchie et des institutions dûment établies. Par contre, le druidisme a été, c’est incontestable même si les informations le concernant sont fragmentaires, une religion institutionnelle de type indo-européen, ayant des points communs avec le brahmanisme et la religion primitive des Romains.
Il est impossible en effet de séparer le druidisme, ou du moins ce que l’on en connaît, du contexte indo-européen. C’est une religion qui a été apportée par des immigrants venus, en vagues successives, des plaines de l’Asie centrale, mais surtout des rives de la Mer Noire, cette région où les Grecs plaçaient le pays des mystérieux Cimmériens {6} , considérés comme des êtres fabuleux, habitant des domaines souterrains, et dans lequel, selon l’ Odyssée , se trouvait l’une des entrées de l’Autre Monde. Mais pourquoi ne pas admettre qu’en émigrant vers l’ouest, cette religion indo-européenne primitive ne se serait par chargée d’éléments étrangers empruntés aux populations aborigènes ?
Certains sont allés très loin dans ce refus de toute influence allogène, se voilant volontiers la face devant les réalités du terrain, et rejetant en bloc « tout le fatras d’hypothèses sur l’origine préceltique ou non celtique des druides, les suppositions ou supputations sur leur parenté avec les chamanes de Laponie et de Sibérie » qui ne sont que « néant intellectuel et inintelligence pure {7} ». Il est vrai que depuis Fabre d’Olivet et ses aberrantes rêveries, reprises au début du XX e siècle par le soi-disant occultiste Édouard Schuré, on a, dans certains milieux spécialisés, affirmé avec force – et contre toute raison – que ce sont des druides partis d’Occident qui auraient été les fondateurs de la religion brahmanique de la plaine du
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