Druides et Chamanes
Gange. Il est également vrai que le celtisant Julius Pokorny a consacré sa vie universitaire à tenter de prouver que les langues celtiques sont d’origine « hamitique », autrement dit apparentées à la langue berbère {8} . Il fallait donc réagir et revenir au point de départ : une religion indo-européenne teintée d’éléments divers empruntés aux peuples conquis pacifiquement ou par les armes dans un Occident déjà riche en traditions millénaires.
Car, en ce domaine, on se prouve plongé dans la confusion la plus totale, au mépris des plus élémentaires précautions d’emploi de la méthode comparative. Il est cependant une indéniable constatation historique : le druidisme a disparu depuis presque vingt siècles, tandis que le chamanisme , quelles que soient ses formes, quelles que soient ses dégénérescences probables, est toujours une réalité vécue au début du troisième millénaire. Il ne s’agit donc pas d’établir une identification entre ces deux systèmes de pensée, mais seulement d’en examiner les ressemblances ou les différences.
Qu’il y ait eu interférences entre les pratiques du chamanisme et celles du druidisme , cela paraît évident au premier abord, puisque les chamanes ont précédé les druides et qu’ils existent encore de nos jours. Mais une constatation s’impose d’emblée : les Druides ne sont pas des Chamanes et les Chamanes ne sont pas des Druides. Ces derniers sont des prêtres , appartenant à une classe sacerdotale organisée et hiérarchisée ; les Chamanes ne sont que des opérateurs isolés au sein d’une société, mais cependant dépositaires d’une tradition transmise depuis des siècles de bouche à oreille. Cependant, en dépit de cette différence fondamentale, druides et chamanes « fonctionnent » dans les mêmes domaines et naviguent en quelque sorte dans les mêmes eaux. C’est pourquoi, en désaccord total avec certains celtisants qui se prétendent – de leur propre chef – les seuls autorisés à parler de la religion druidique considérée sous l’unique héritage indo-européen, il importe d’explorer le vaste et nébuleux domaine où se sont rencontrés – et même souvent confrontés – les anciens Druides et les étranges « hommes médecine » que sont encore et toujours les Chamanes.
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Les sources
Les Celtes, avant l’introduction du christianisme, n’ont jamais écrit leur histoire ni leurs traditions les plus anciennes. Quels que soient les buts réels de l’interdiction de l’écriture par les druides, il faut bien reconnaître que la civilisation celtique, avec toutes ses variantes, est d’essence purement orale. Et il en est de même pour le chamanisme , qui a toujours été vécu dans des cadres socioculturels parfois très différents et qui n’a été vraiment connu que par des enquêtes ethnologiques, à partir de la fin du XIX e siècle, et surtout au cours du XX e siècle, notamment par les études extrêmement approfondies d’un Mircea Éliade, qui demeurent, jusqu’à ce jour, les sources les plus fiables d’une civilisation reposant sur des coutumes et des traditions transmises de génération en génération, par la voie orale, donc insaisissables. C’est dire la complexité du problème soulevé par toute tentative de compréhension de phénomènes comme le druidisme ou le chamanisme. Et pourtant, contrairement à ce qu’on pourrait croire, les informations sur ce sujet sont innombrables. Le tout est non seulement de les collecter, alors qu’elles sont dispersées à travers quantité de documents d’origines diverses, mais de les soumettre à une analyse comparative d’une rigueur absolue afin de se garder d’une interprétation abusive d’éléments incomplets et surtout d’une tendance à compenser certaines lacunes par les excès d’une imagination débridée qui risque de conduire aux pires aberrations de l’esprit.
Les sources les plus classiques et donc les plus couramment utilisées en ce domaine sont évidemment les sources écrites, tant historiques – ou soi-disant telles ! – que littéraires, mythologiques, ou simplement ethnographiques. Mais, à notre époque marquée par la primauté de l’ écrit (en attendant la primauté de l’ image , ce qui ne saurait tarder), que penser de la fiabilité des documents fixés, pour ne pas dire figés , dans l’écriture ? « Nous connaissons les noms de quelque cent cinquante auteurs grecs de
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