Druides et Chamanes
historiques ou légendaires, par lesquels des civilisations disparues ou méprisées ont accédé à une certaine lumière. En effet, en dehors de l’Histoire, il y a l’Archéologie, la Toponymie, l’Onomastique, la tradition orale dite « folklorique », et aussi, élément déterminant, science toute nouvelle mais riche en informations, la « Climatologie », c’est-à-dire l’étude systématique des climats à travers les millénaires qui ont précédé notre époque.
2. Les récits historiques
Car les peuples dits celtes n’ont jamais écrit eux-mêmes leur Histoire, c’est un fait acquis et indéniable, du moins jusqu’à la christianisation et à l’utilisation de la langue latine (ou grecque pour la partie orientale de l’Empire romain). Il est donc obligatoire de recourir à des textes historiques rédigés par leurs voisins, en l’occurrence les Grecs et les Romains qui, eux, n’étant pas sous le coup d’interdits religieux ou culturels, utilisaient l’écriture pour raconter ce qu’ils voyaient autour d’eux. Mais ce qu’ont vu et transmis les Grecs et les Romains n’est en définitive qu’une vague approche d’une réalité historique. Certes, cela vaut mieux que rien, mais cela demeure fragmentaire et bien souvent faux par suite de l’incompréhension de certains témoins vis-à-vis d’une mentalité qui leur était totalement étrangère. Et, de plus, ce n’est que vers l’an 500 avant notre ère que les Celtes apparaissent dans l’Histoire écrite, ce qui ne facilite guère la connaissance profonde de ce qu’a pu être le « druidisme » primitif.
D’ailleurs, dans le foisonnement des récits issus de l’Antiquité gréco-romaine, du moins parmi ceux qui nous sont parvenus, il y a très peu de textes concernant la religion des Celtes, celle-ci étant considérée comme une série de spéculations aberrantes pour certains auteurs, imbus de philosophie grecque rationaliste, ou, d’une manière générale, comme quelque chose de complètement incompréhensible parce que complètement étranger à la logique méditerranéenne.
Tel est le cas du philosophe Aristote qui, après avoir rapporté ce qu’on dit des Celtes « qui ne craignent pas les flots déchaînés » ( Éthique à Nicomaque , VIII, 7), ne comprend pas l’attitude de ces pauvres fous de Celtes « qui prennent les armes pour marcher contre les flots » ( Éthique à Eudème , III, 1). Il s’agit d’un rituel de conjuration que signale également le géographe Strabon (VII, 2), rapportant les témoignages d’historiens selon lesquels les Celtes « menacent et repoussent de leurs armes le flot qui monte ».
De même, le naturaliste Pline l’Ancien, qui décrit un autre rituel, n’en comprend pas le sens symbolique : « Il y a une espèce d’œuf […] en grand renom dans les Gaules. En été, d’innombrables serpents enroulés et mêlant leurs baves et les sécrétions de leurs corps se rassemblent en une étreinte harmonieuse et cela produit ce qu’on appelle un œuf de serpent. Les druides disent que cet œuf est projeté en l’air par les sifflements et qu’il convient de le recueillir dans une saie avant qu’il ne touche terre. Le ravisseur doit s’enfuir à cheval, car il est poursuivi par les serpents jusqu’à ce que ceux-ci soient arrêtés par un cours d’eau. On reconnaît cet œuf à ce qu’il flotte contre le courant, même s’il est attaché à de l’or. […] J’ai vu cet œuf, de la grosseur d’une pomme moyenne ronde, à la croûte cartilagineuse comme les nombreux bras d’un poulpe » ( Histoire naturelle , XXIX, 52). Tout cela est bien confus, mais grâce à des découvertes archéologiques récentes dans des tombeaux ou des endroits sacrés, on sait maintenant que cet « œuf de serpent » est tout simplement un oursin fossile, et que celui-ci était, pour les druides, le symbole de l’œuf cosmique bien connu de diverses traditions cosmologiques.
Un autre exemple d’incompréhension est constitué par le célèbre passage de Tite-Live (XXIII, 24) qui s’étend complaisamment sur le sort du consul Postumius et de sa légion, anéantie parce que les Gaulois avaient coupé les arbres et la forêt que longeaient les Romains et qu’ils avaient renversés sur eux à leur passage. Tout le récit de Tite-Live est présenté comme un épisode historique réel daté avec précision. Or, de nombreux textes irlandais et gallois le prouvent : il s’agit
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