Druides et Chamanes
d’un mythe, celui de la « guerre végétale », qui recouvre une connaissance traditionnelle d’une mystérieuse énergie interne liée à l’arbre et au végétal d’une façon générale. Il est vrai que la tendance des Romains, qui sont avant tout des rationalistes, est d’historiciser les faits rapportés d’un lointain passé sans prendre la peine d’en vérifier l’authenticité.
On pourrait en dire autant de la fameuse « prise de Delphes » par les Gaulois du chef Brennus, au III e siècle avant notre ère. S’il est exact que des tribus gauloises se sont aventurées dans les Balkans, on n’a jamais pu établir la réalité du pillage du sanctuaire de Delphes. En effet, on connaît cette « histoire » par les récits des Grecs Pausanias et Diodore de Sicile, ainsi que des Romains Justin et Cicéron, mais ce qui est surprenant, c’est que le texte de Pausanias, qui sert de base, est un démarquage complet d’un récit d’Hérodote concernant une expédition des Perses à Delphes. Il y a de quoi rêver, d’autant plus que cette confusion – volontaire ou non – a contribué à développer la légende de l’Or maudit de Delphes qui se serait retrouvé ensuite à Toulouse, chez les peuples des Volques Tectosages, et aurait alors causé le malheur du consul romain Caepius.
Il y a cependant des informations concernant les druides eux-mêmes. D’après les historiens, ou les « historiographes » de l’Antiquité classique, nous savons que les druides étaient à la fois des prêtres, des philosophes, des « mages », des prophètes, des médecins, des enseignants, mais aussi des conseillers politiques d’une extrême importance. César, qui, quoi qu’on puisse penser de ses interprétations pro domo , demeure l’un de nos meilleurs informateurs quant à la société gauloise qu’il connaissait bien pour l’avoir fréquentée – et fait espionner ! –, est formel sur ce point : la classe druidique est la classe dirigeante, supérieure à celle des guerriers, et donc supérieure à la caste royale, comme en témoigne la coutume irlandaise du haut Moyen Âge selon laquelle, dans une assemblée, si un guerrier ne peut parler avant le roi, celui-ci ne peut pas prendre la parole avant le druide. Tous les témoignages concordent pour faire du druide le dépositaire de la Connaissance , ce qui est conforme à l’étymologie de son nom, « très voyant » ou « très savant ». On sait également, par César, que les druides « enseignaient les jeunes gens » de n’importe quelle classe sociale dans des sortes de collèges, et que les études, toutes basées sur l’oralité, duraient une vingtaine d’années. Au cours de cette « scolarité », les disciples apprenaient par cœur , sous forme de vers, l’essentiel de la tradition. Mais il arrivait bien souvent que ces disciples « lâchent » leurs études en cours de route : seuls demeuraient ceux qui se révélaient les plus doués et les plus endurants. Et le Romain Cicéron d’affirmer très haut son admiration pour le druide éduen Diviciacos, qu’il avait reçu chez lui, avec qui il avait longuement conversé, à propos de ses connaissances sur le monde visible (les sciences de la nature) et sur le monde invisible (les spéculations intellectuelles et métaphysiques). D’ailleurs, nombreux sont les auteurs grecs et latins à avoir émis l’idée que l’enseignement des druides était sinon identique du moins analogue à celui de Pythagore, ce qui constituait alors une référence indiscutable.
Mais si l’Histoire nous renseigne assez précisément sur le rôle social du druide, il n’en est pas de même en ce qui concerne la doctrine et les rituels de la religion dont il est le pivot. Il n’y a que de brèves allusions à cette doctrine. Ce qui apparaît le plus clairement, c’est la croyance en l’immortalité de l’âme (ce qui choquait les Grecs et les Romains de l’époque classique) et dans la survie de celle-ci dans un autre corps, pour ne pas dire dans un autre monde {27} . Ce qui expliquerait d’ailleurs assez bien la facilité avec laquelle les Celtes dits païens, notamment les Irlandais, se sont convertis au christianisme {28} . Et d’autres allusions permettent de penser qu’en définitive la croyance druidique était centrée autour du concept d’un dieu unique, inconnaissable, incommunicable et innommable, mais représenté concrètement sous ses diverses fonctionnalités par
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