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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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c’était bien votre rire. Quel
bon vent vous amène, ma belle poétesse, encore quelques rimailles à copier ?
    — Mais aussi le plaisir à vous revoir.
    Elles s’étreignirent de nouveau.
    — Dame Pernelle, comment se porte votre santé ?
À merveille à ce que je vois.
    — Comme toujours, répondit la plantureuse
femme. Et comment vont les enfants ?
    — Ils vont de l’avant, et turbulents, dit la
visiteuse en éclatant de rire.
    Isabelle écoutait, observait, cherchant toujours
les signes de ce qu’elle briguait. L’épouse de Nicolas Flamel devait approcher
des cinquante ans et son visage était rond, frais et lisse comme celui d’une
jeune fille, une tête restée extraordinairement jeune mais plantée sur un corps
de matrone.
    Et si cela était vrai…
    Elle prit conscience d’un silence soudain, ladite
Christine la considérait bouche bée. C’était une jeune femme menue et de belles
proportions tant on pouvait en juger, emmitouflée comme elle était dans une
aumusse de lainage feuille morte sur un bliaut ocre. Tout était couleur d’automne
chez elle, depuis ses cheveux brun-roux qui s’échappaient du capuchon jusqu’à
ses grands yeux noisette au regard vif.
    Enfin, Christine de Pisan se précipita à ses
genoux et baisa le bas de sa robe :
    — Madame, madame, mille pardons ! Vous
ici !
    Isabelle se leva, cherchant à échapper à l’entreprise
de cette femme qui s’accrochait à ses jupes.
    — Cessez ! Qui êtes-vous ?
    — Christine de Pisan, madame, l’épouse d’Étienne
de Castel, secrétaire-notaire au service de M gr  le roi.
    — Je ne vous connais pas, répondit sèchement
la princesse de Bavière, dégageant d’un coup sec le bas de sa robe.
    — Moi, je vous connais, j’ai tant admiré la
reine alors que je me tenais dans l’ombre.
    Dame Pernelle tomba à genoux à son tour, comme si
ses jambes s’étaient tout à coup dérobées sous ses rondeurs.
    — La reine !
    Un gloussement étouffé fit se retourner
Bois-Bourdon. Nicolas Flamel pouffait dans sa barbe. Dans ses yeux, il y avait
de l’admiration et de la tendresse alors qu’il s’amusait de la confusion d’Isabelle.
L’écrivain avait toujours su qui était sa solliciteuse.
    — Maître, la reine, la reine en votre logis, rendez-vous
compte ? s’exclama Christine de Pisan.
    — Pardonnez-moi, mais êtes-vous assurément
celle que l’on dit ? interrogea Nicolas, reprenant les propres termes d’Isabelle.
    Il se jouait d’elle, la colère de la souveraine
flamba. Jetant bas le masque, elle se redressa de toute sa majesté.
    — Vous l’auriez su, monsieur, si vous aviez
daigné répondre à mes appels !
    Flamel s’inclina bas, dévoila le cercle rosâtre de
sa calvitie sur le sommet de son crâne.
    — Madame, c’était un honneur qui vous aurait
déshonorée. Et je ne voulais certes pas vous compromettre.
    — Me compromettre ? Et de quelle façon, je
vous prie ?
    — Toute bonne renommée s’accompagne de
fâcheuses calomnies.
    — Mais encore ?
    — La rumeur ne vous a-t-elle point rapporté
que si j’étais habile maître copieur, j’étais aussi… (Nicolas prit son temps, Isabelle
suspendue à ses lèvres) un redouté sorcier ?
    Elle poussa un soupir de colère et de déconvenue.
    — La reine ne se soucie guère des ragots de Paris,
intervint l’impétueuse Christine. Alors que notre roi bien-aimé est fêté de
toutes parts. Mon cher époux, Étienne de Castel, m’a fait parvenir tantôt
une estafette. Dans son courrier, il me narrait les entrées triomphales dans
les villes traversées, tant et tant que le cortège mit deux mois à se rendre en
Avignon, où même liesse et festoiements les attendaient. Le vénéré pape Clément VII
a couronné lui-même le jeune duc d’Anjou, roi de Naples et de Sicile. Et rien n’a
manqué à la magnificence d’un pape et à la majesté de deux rois, m’écrit mon
cher Étienne. Ce fut le même tourbillon de fêtes alors que notre sire se
rendait en Languedoc. Et tant encore qu’il écrit qu’il ne sait plus ni du jour
ni de la nuit et qu’il confond l’un avec l’autre…
    — La jeunesse ! la coupa Nicolas Flamel
avec gravité. La jeunesse est une affection dont on guérit prestement, et plus
prestement encore lorsqu’on la consume si intensément.
    Isabelle s’était laissée choir sur un banc. Flamel
parlait vrai. Elle-même avait reçu du courrier qui lui relatait avec quelle
fièvre le roi

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