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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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mais
le couple qui paraissait ne plus vouloir finir de s’étreindre.
    « Je crois que je vais avoir noble visite, songea-t-il,
fourrageant sa barbe du bout de ses doigts à mitaine. Allons ! »
    Il traversa prestement la rue à petits pas serrés, dandinant
sa courte silhouette replète, et s’engouffra dans une maison étroite, enluminée
d’images et d’inscriptions, à l’enseigne de la Fleur de lys.
    *
    Bois-Bourdon, seigneur de Graville, sénéchal
du Berry, portait encore dans ses bras Isabelle Wittelsbach Visconti d’Ingolstad,
princesse de Bavière, reine de France. Elle levait vers le capitaine de sa
garde des prunelles noyées de larmes, plus apeurée de l’air terrible de son
protecteur que du péril auquel elle venait d’échapper. Malgré sa fureur, le
cœur du sire de Graville fondit, une pulsation se mit à sourdre dans son
bas-ventre tandis qu’il la laissait glisser lentement contre lui, sans la
quitter des yeux, jusqu’à ce que ses pieds touchassent le sol. Une flambée de
désir le vida de sa force alors qu’il la gardait serrée contre lui.
    — Vous aviez raison, mon ami, chuchota-t-elle,
ce n’était point raisonnable. Retournons !
    — Nous sommes rendus, il n’est plus temps de
faire demi-tour, répondit-il en la lâchant. Allons, madame, vous irez à pied
puisque votre monture est perdue.
    Le ton âpre du sénéchal du Berry fit revenir les
larmes aux yeux de la princesse de Bavière. Elle craignait les humeurs
sombres du seigneur de Graville. Elle avait besoin de son amour comme la
fleur se nourrit de la sève de l’arbre. Son haut rang s’y dissolvait, laissant
à nu la petite fille affamée de tendresse et de protection. Pourtant, c’était
en reine de France qu’elle avait repoussé les avertissements de prudence du
capitaine de sa garde personnelle. Elle avait exigé cette sortie dont le but
était la boutique de ce mystérieux écrivain public dont on parlait tant à la
Cour comme dans Paris, celui que l’on soupçonnait d’être un faiseur d’or, un
alchimiste : Nicolas Flamel.
    Elle l’avait fait quérir à plusieurs reprises, lui
accordant audience en son hôtel de la résidence royale du Marais. Mais l’étrange
personnage avait décliné toutes ses invitations. Qui était-il pour ne point
répondre en sujet empressé aux sollicitations de la reine de France ? Obstinée,
elle avait décidé de le surprendre chez lui, de s’y rendre elle-même, incognito.
    Bois-Bourdon s’était incliné, mais à ses propres
conditions. Une douzaine de ses hommes les suivraient discrètement, conduits
par son premier lieutenant, le redoutable Pascal le Peineux. Et la sortie ne se
ferait qu’au petit jour, à cet instant intangible où la ville s’apaise, quand
la gueuserie de la nuit déguerpit pour s’ensommeiller dans sa pouille, alors
que celle du jour est encore engourdie.
    Le seigneur de Graville vivait dans la
perpétuelle anxiété de la sécurité d’Isabelle. Charles VI avait quitté
Paris pour Avignon et le Languedoc en grand équipage. Depuis bientôt six mois, l’absence
royale laissait la reine à découvert. Elle avait été l’égérie du complot « Montjoie
Isabelle » qui avait rendu au roi sa souveraineté, et exclu les princes
des Fleurs de lys du pouvoir, les ducs Berry et Bourgogne, oncles de Charles VI
qui avaient la rancune tenace. Ces derniers n’ayant certainement pas négligé
leurs oreilles dans l’entourage de la reine, des gens à leur solde, calculaient
leur revanche.
    Leurs espions avaient-ils eu vent de cette secrète
sortie de la reine ? Que faisaient en ces lieux la larronaille, passé les
heures suspectes, entre chiennerie et louverie qui rend les rues à leur
innocence ? Bois-Bourdon ne s’égarait-il pas à flairer sans cesse des
chausse-trapes ainsi qu’un féroce chien de garde hurle à la lune ?
     
    Isabelle de Bavière et le capitaine de sa
garde longèrent le mur extérieur de l’église Saint-Jacques-de-la-Boucherie, flanqué
des petites logettes à écrivains qui avaient donné leur nom à la rue. La reine
faisait claquer résolument ses hauts patins de bois sur les pavés, ces
protections de pieds contre la boue qu’elle avait mises à la mode des atours de
chambre comme de ville. Ils lui donnaient de la taille et de l’assurance.
    Comme ils passaient devant le portail de la
Pierre-au-Lait, elle s’arrêta, et contempla le tympan sculpté en demi-relief. Il
représentait un homme et une femme

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