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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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avait peur. Elle cherchait à compenser la prodigalité excessive
de son époux ; elle convoitait, elle aussi, l’or de l’alchimiste.
    — Je viens de faire mes dévotions à l’église
Saint-Jacques et ne me suis encore point restauré. Voulez-vous partager avec
moi matinel ? proposa Nicolas Flamel, tandis que le sire de Graville
ressassait ses appréhensions. Marguerite ! intima-t-il à la servante sans
attendre de réponse. Mon gruau, et en suffisance pour mes invités ! Et
fais diligence à allumer l’âtre de l’atelier, il y fait un froid à engourdir le
corps et surtout les doigts.
    Marguerite la Questel se débarrassa de son
soufflet et essuya ses joues luisantes dans son tablier. Elle se tourna enfin
vers les visiteurs, jeta sur Isabelle un regard de biais, le visage plus fermé
qu’une moule. Elle avait le faciès d’une femme qu’il n’est pas aise de faire
parler. Elle se détourna et se saisit du chaudron de gruau posé sur un trépied,
qu’elle suspendit sur le feu au crochet de la crémaillère. Puis elle prit un
fagot du bois entassé au côté de la cheminée, et se rendit dans l’atelier.
    Le maître s’installa sur un banc, près d’Isabelle :
    — Et si nous parlions enfin de l’affaire qui
vous amène.
    La reine sursauta, elle n’avait cure d’un livre d’heures,
avait en horreur le gruau et les choses n’allaient pas leur train à sa
convenance.
    — Je me suis laissé dire grand bien de vous, maître
Flamel, commença-t-elle en maîtrisant son exaspération, puis elle attaqua franc.
D’ailleurs n’avez-vous pas les faveurs de M gr  le duc de Berry ?
Il faut que vos talents d’écrivain-juré soient exceptionnels pour avoir attiré
l’attention d’un tel prince. On parle aussi de Jean de Nevers, le fils
héritier de la puissante maison de Bourgogne, il ne manque pourtant point d’enlumineurs
fameux dans leur riche Flandre. Même le duc d’Orléans, monseigneur frère du roi,
aurait eu, paraît-il, commerce avec vous.
    — Ces bruits de la ville sont fort exagérés. Il
est vrai que messeigneurs m’ont passé commande, mais ce ne sont que modestes
travaux, sourit l’écrivain public, plus patelin que jamais.
    La reine eut un geste d’impatience qui faillit la
trahir mais qui échappa à Nicolas, distrait soudain par un tumulte de voix en
provenance de l’atelier, tranché par un rire clair, un rire de femme.
    — Je vous demande le pardon, mes apprentis
arrivent, et, à ce qu’il me semble, j’ai autre gracieuse visite.
    Il les quitta. Une fois seuls, la reine et
Bois-Bourdon restèrent silencieux. Isabelle, maussade, était perdue dans ses
pensées.
    — Qu’espérais-tu ? murmura enfin le
capitaine. S’il est bien ce que l’on dit, crois-tu qu’un tel homme se livrerait,
ou se trahirait si facilement ?
    — Je ne sais, mais il n’est pas naturel que
Bourgogne et Berry s’intéressent à un homme à l’apparence si commune. Il faut
bien qu’il soit alchimiste. Je devais voir par moi-même, je ne peux laisser mes
bel-oncles s’approprier un pouvoir aussi grand.
    — L’alchimie n’est qu’un conte à berner !
gronda-t-il en descendant de son escabeau. Maître Flamel joue admirablement d’une
réputation frelatée qu’il a peut-être lui-même édifiée. Il s’en sert, les
princes le courtisent, lui passent flatteuses commandes et font sa fortune à
leurs dépens.
    Le seigneur de Graville ne croyait pas à l’alchimie,
il ne croyait en rien, ne craignait ni Dieu ni Diable, à l’inverse de l’esprit
de son temps. D’anciennes souffrances avaient brisé sa foi, ne lui faisaient
redouter que l’Homme, chair corruptible, pétrie de cruautés et de vices.
    — Et si pourtant cela était vrai ? chuchota
Isabelle.
    Un éclat de rire fusa soudain. Une jeune femme entrait
dans la pièce suivie de Nicolas Flamel, qui compulsait un manuscrit, de grosses
besicles en corne chevauchant son nez couperosé.
    — Vous me flattez, maître Nicolas, riait-elle
en se retournant. Ce ne sont là que piètres ballades destinées à fêter le
retour de mon époux.
    Elle respirait le bonheur de vivre, l’insouciance
de ceux qui ont été choyés, épargnés des larmes.
    Un grand bruit se fit dans l’escalier à vis, une
femme accorte en émergea dans un roulis de lainages aux couleurs vives.
    La jeune femme fit face et poussa un cri de joie :
    — Dame Pernelle !
    Elle se précipita à sa rencontre et se jeta dans
ses bras.
    — Christine,

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