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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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lui sembla percevoir l’écho du rire triomphant de
Louis, tandis que toute sa jeune vie défilait dans son esprit, un chaos d’images,
de bonheurs et de douleurs [6] .
    L’oisellerie de son enfance au château de
Ludwigsburg, son épervier Autan perdu à jamais, ainsi qu’étaient perdus ses
montagnes et l’air pur de sa Bavière. L’amour en Courtoisie la possédant tout
entière à la vue d’un beau cavalier blond sur le chemin d’Amiens en pays de
France. Il est le roi, il est aussitôt son époux, et son ventre se déchire dans
une souffrance atroce au soir de ses noces alors que des gardes la crucifient
en la maintenant sur la couche nuptiale.
    Le roi lui fait horreur. « Apprends-moi l’amour »,
souffle-t-elle au sombre Bois-Bourdon.
    Souffrance encore, insoutenable, alors que
Catherine, son amie d’enfance, accourt en hurlant : « M gr  le
Dauphin se meurt ! » M gr  le Dauphin est mort, l’enfant
de Bois-Bourdon.
    Vierge Marie, mère de toutes les douleurs, que n’as-tu
détourné la colère divine de l’enfant de l’adultère en ce funeste jour des
Saints-Innocents ?
    L’affliction s’efface pour faire place à une
intense jubilation : elle fait son entrée solennelle en sa bonne ville de
Paris. Elle voit dans un kaléidoscope de couleurs la presse et la liesse de la
foule. « Noël ! Noël ! Vive la reine ! » Elle s’enivre
des vivats et des chansons :
     
    Dame éclose entre
fleurs de lys
    Reine, êtes-vous du
paradis ?
     
    Le munificent cortège la mène à la Sainte-Chapelle.
C’est le moment grandiose de son sacre. Elle est grave, et bouleversée alors qu’elle
est ointe des saintes huiles. Le Te Deum retentit et c’est le lâcher de
colombes. « Qu’elle vive pour l’éternité ! » proclame l’auguste
assemblée d’une même voix puissante, qui la fait frissonner.
    Isabelle Wittelsbach Visconti d’Ingolstad, princesse
de Bavière, est reine de France de droit divin.
    Elle a le tournis à présent, submergée par les
turbulences des fêtes de Saint-Denis qui n’en finissent plus. Elle étouffe de
chaleur à ce banquet en ce mois d’août 1389 ; il faut briser les
vitres pour qu’elle respire, alors qu’elle est grosse à pleine ceinture de l’espérance
d’un fils.
    Elle hurle dans l’ultime poussée de ses entrailles.
Isabelle est née au Louvre. Une fille encore, guère plus d’un an après la
naissance de la débile petite Jeanne.
    Le roi est mort, vive le roi ! Le rire en
écho de son beau-frère.
    Valentine Visconti lui apparaît dans tout l’éclat
de sa splendeur lors de sa venue en ce royaume, pour épouser le duc d’Orléans. Valentine,
rayonnante de beauté et de blondeur, couverte de bijoux d’argent verré, richement
dotée de quatre cent cinquante mille florins, du comté d’Asti et de Vertus, héritière
des riches seigneuries de son père, le seigneur de Milan, Jean-Galéas. Elle
éprouve une bouffée de rancune, elle qui n’a eu qu’un trousseau fait de charité.
    Le roi est mort. La souveraine n’est plus. La
messe est dite. Les ambitions du duc et de la duchesse d’Orléans n’auront pas
souffert d’impatience. Ils seront sur le trône qu’ils briguent avant même qu’elle
n’en soit chassée, dépouillée de tout.
    — Le roi est en route, Basileia, il approche,
murmure Zizka.
    — Le roi est-il vivant ?
    — Il vit, mais il est des morts pires que la
mort.
     
    — Le roi est vivant, c’est sûr ! Ne
déparle pas Isabelette, réveille-toi ! suppliait la voix de Catherine, sa
chambellane.
    On lui tapotait les joues, on l’appelait avec
anxiété, elle ouvrit les yeux. Du monde s’empressait auprès d’elle, chambrières
et valets attroupés autour de Catherine la tenant dans ses bras. Ozanne de Louvain
lui faisait respirer de l’esprit-de-vin, et Louis d’Orléans, agenouillé, lui
tenait la main. Tous affichaient des mines alarmées par sa pâmoison.
    — Elle revient à elle ! lança une voix.
    — Oui, elle revient, répondit Louis avec
soulagement. Pardonne-moi, Isabelle, lui dit-il tout en lui baisant la main, je
ne voulais pas te faire si grande peur. Charles n’est pas perdu, j’en suis
certain. Il va arriver dans l’heure, je te le jure. Ce n’était qu’un pari.
    *
    L’Hôtel solennel des Grands Ébattements s’ébroua, sortant
de sa torpeur où il était plongé depuis le départ du roi et de la plus grosse
partie de sa cour. Mais il y avait surtout urgence à apprêter la

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