Emile Zola
l'existence.
Le jeune Zola, en émettant ces idées très pratiques sur l'amour et sur le mariage, n'apparaît pas du tout comme un méridional, au tempérament chaud. Ce Provençal, qui ne gesticulait jamais, qui n'était nullement orateur, montrait plus tôt la gravité d'un Oriental, et, comme amoureux, il devait avoir les idées de ces sages musulmans, qui, sans bannir la femme de leur existence, loin de là, ne lui laissent pas empiéter sur la conscience, sur la volonté, sur la pensée de l'homme. Il fut, toute sa vie, un chaste, et n'eut guère, sur le tard, qu'une aventure d'amour, se rapprochant plus de la seconde union licite d'un musulman que de l'adultère chrétien. Zola s'était, cependant, énergiquement prononcé contre la polygamie française, la polygamie déguisée, et admise dans notre société.
Elle n'a rien de comparable à la polygamie légale, honorable et vertueuse de l'Oriental, qui n'y a recours que dans une certaine limite. Il est permis au mahométan d'épouser plusieurs femmes, mais ce sont surtout les grands seigneurs qui usent de cette faculté, dont le Prophète donna l'exemple. Le Turc de condition moyenne n'a souvent qu'une épouse. Il aime et honore particulièrement cette femme, qui lui donne des enfants. Si, par la suite, il élève au rang d'épouse une servante avec laquelle il a des rapports, ce n'est ni pour humilier, ni pour abandonner sa femme, qui garde son rang et a droit aux égards de la concubine. La première femme est non seulement consentante à la nouvelle cohabitation de son mari, mais souvent elle en éprouve une altruiste et généreuse satisfaction. Elle estime juste et naturel que son mari trouve du plaisir dans les bras d'une femme plus jeune, mieux portante, et plus disposée qu'elle aux besognes de l'amour.
Elle admet, aussi, quand elle est frappée de stérilité, ou que l'âge et la maladie l'attaquent, que cette remplaçante, en qui elle ne saurait voir ni une ennemie, ni même une rivale, donne au mari, au père de famille, les enfants dont la nature lui refuse la conception. Zola eut, dans les dernières années de sa vie, ces sentiments d'oriental et de patriarche ; autour de lui, ils furent compris et partagés comme dans les familles bibliques.
Dans les primes années de la poursuite amoureuse et de la tyrannie des sens, il ne fut ni un séducteur, ni un coureur de bonnes fortunes, ni même un amant passionné. Il attendait le mariage. Il était disposé à la monogamie, à la régularité dans la satisfaction sexuelle.
On ne lui connut ni maîtresse attitrée et dominatrice, ni retentissantes aventures galantes. On n'a jamais publié de ses lettres d'amour. Il dut en écrire, au temps de l'Aérienne. Mais ces propos tendres, non destinés à la postérité, étaient tracés, selon la formule du poète Catulle, sur l'eau courante, à moins que ce ne fût sur le sable. Rien n'en est resté. En cela il diffère de la plupart des écrivains célèbres, et il est loin d'avoir imité son maître Alfred de Musset. Dans les dernières années de sa vie seulement, on rencontre une piste féminine. On y a vu plus haut une allusion.
Zola, dans plusieurs de ses ouvrages, a fortement peint des amoureux, des amoureuses, et on lui a même reproché la crudité de nombreuses scènes passionnelles. Ceci prouve que l'artiste n'a nullement besoin d'avoir éprouvé une passion pour la rendre avec force et talent. Balzac n'a pas davantage couru le guilledou.
Zola apparaît donc comme un continent, même aux heures rapides des liaisons fatales, dans la vie de jeunesse, à l'époque favorable aux rencontres passagères, obligatoires pour ainsi dire, dans les milieux où se trouvent à profusion des femmes libres. Il eut des relations, sans incidents ni suites, avec de bonnes filles du quartier latin. Puis il se maria, fort jeune.
Toute sa vie, vouée à l'isolement et au travail, fut exempte de complications, de scènes, de tourments. Il ignora toutes ces péripéties qui troublent si fâcheusement tant d'existences. Il échappa aux désordres, aux dangers de la vie d'étudiant. Il fut indemne de l'avarie. Il ne souffrit d'aucun amour rebuté.
Il n'a pas été passé au laminoir de la jalousie. Il a été mari modèle, mari heureux, on pourrait presque dire exceptionnel. Pas de drame passionnel à citer, où on puisse lui assigner un rôle. Le scandale et la souffrance dans le mariage lui ont été épargnés. Impossible, comme on l'a fait pour tant d'hommes
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