Emile Zola
de lettres, de publier un ouvrage ayant pour titre : les Maîtresses de Zola. Il n'eut, d'un Byron ou d'un Chateaubriand, que le lyrisme.
Il manifestait, dans son belvédère comme en ses garnis du Quartier, une défiance envers les filles faciles.
Elles passent d'un amant à l'autre, disait-il, sans regretter l'ancien, sans presque désirer le nouveau. Rassasiées de baisers, fatigués de voluptés, elles fuient l'homme quant au corps ; sans nulle éducation, sans aucune délicatesse de sentiment, elles sont comme privées d'âme, et ne sauraient sympathiser avec une nature généreuse et aimante.
Il ne croyait pas à la courtisane à qui l'amour refait une ingénuité.
Qu'elles rencontrent un coeur noble (s'écriait-il avec une indignation quelque peu théâtrale et sentant son Desgenais, personnage alors très applaudi au théâtre), qui tâche de les relever par l'amour, et qui, avant tout, voulant pouvoir les estimer, cherche à les rendre honnêtes femmes, ah ! celui-là, elles le bafouent, le gardent parfois pour son argent, mais elles ne l'aiment jamais, même dans le singulier sens qu'elles donnent à ce mot.
C'est la moralité des pièces du temps, en réaction contre la formule romantique des Marion Delorme : l'anathème et l'impitoyable hors la loi du coeur des Filles de Marbre, du Mariage d'Olympe, des Lionnes Pauvres Si la fille le décourageait, la veuve ne le tentait que médiocrement, et cette créature déflorée, dont l'expérience doit amener fatalement au collage ou à l'union légale, ne lui apparaissait pas comme «l'idéal de ses rêves». La jeune fille lui aurait plu, mais il se demandait, avec un scepticisme a priori, s'il en était encore. Il ajoutait, en reprenant ses théories sur l'essai interdit, répétant son blâme du mariage imposé à l'aveuglette, reproduisant sa critique de la fiancée demandée et obtenue, sans qu'il soit permis au futur de la connaître et de sympathiser avec elle :
La vierge, pour nous, n'existe pas, elle est comme un parfum sous triple enveloppe, que nous ne pouvons posséder qu'en jurant de le porter toujours sur nous. Est-il donc si étonnant que nous hésitions à choisir ainsi, en aveugles, tremblant de nous tromper de sachet, et d'en acheter un d'une odeur nauséabonde ?
La femme fut donc un élément secondaire, dans la vie de Zola. Elle n'eut aucune influence sur sa destinée d'écrivain. Elle ne lui fit ni commettre de folies dans l'existence, ni négliger un travail. Par contre, elle ne lui inspira aucun chef-d'oeuvre. L'avantage qu'il tira de la vie de ménage, où il entra à vingt-huit ans, fut la régularité d'existence, la table prête, comme le lit, à heures fixes, les soins domestiques, l'ordonnance toute bourgeoise de sa modeste maison. Les qualités d'ordre, de ponctualité, de méticuleuse et quasi bureaucratique méthode, qu'il montra dans l'exécution de son travail littéraire, se retrouvent dans sa vie conjugale.
Il avait, dans sa toute jeunesse, émis cette croyance que «le bonheur pouvait exister dans le mariage». L'expérience de la vie et sa propre destinée ne purent que lui confirmer la véracité de cette opinion, consignée, en 1860, dans une lettre à son ami Baille, à propos du célèbre roman de George Sand, Jacques.
En réalité, absorbé tout entier par la passion littéraire, poussé par l'ambition très vive de bien faire, dominé par la volonté de terminer ce qu'il avait une fois entrepris, hanté par son oeuvre, comme l'avait été Balzac, il a surtout aimé Gervaise et Nana, Miette et Renée, toutes ses héroïnes, perverses ou touchantes. La femme prend du temps. Les heures qu'on passe à aimer sont perdues pour l'oeuvre. La force qu'on pourrait employer à créer un personnage, fictif, mais doué d'une vie supérieure, susceptible de se prolonger au delà de toute longévité humaine, on la gaspille en l'employant à fabriquer un enfant de chair et d'os. Comme, cependant, la nature a ses exigences, il convient d'accorder à l'appétit amoureux l'attention et le temps qu'on attribue à l'autre, celui qui a l'estomac pour siège, avec modération, et à l'heure voulue. Quand on a la feuille de papier qui attend sa semence d'encre, il ne convient de s'attarder ni au lit ni à table. Telle fut la méthode du grand laborieux.
Jouvenceau, homme fait, ou déjà parvenu au seuil de la vieillesse, ce robuste producteur contint tous les désirs, prévint tous les entraînements, évita les
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