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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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logis, que la vieille qui nous avait ouvert, et celle-ci fort sèche,
maigre, menue, et ridée fabuleusement. Ha, point ici de Fontanette pour vous
ouvrir l’huis, l’œil vif, le museau frais, et monter devant vous à l’étage, le
pas léger, la taille mince et la croupe dansante… Rien, hélas, que ce pauvre
squelette de vieille, du parpal comme sur ma main, toute bonne et belle
charnure à jamais évanouie, le cheveu rare, l’œil soupçonneux, la lèvre
moustachue et la voix rauque et râpeuse d’un homme.
    Cette Parque nous introduisit dans
une petite salle sans tenture ni tapis, et à part table et escabelles, sans
meuble d’aucune sorte ; pavée, cette salle, de tommettes point trop
neuves, d’aucunes même cassées, et éclairée pauvrement d’une seule fenêtre,
obscurcie encore d’un rideau, les maisons, de l’autre côté de la rue du
Bras-de-Fer étant si proches qu’on eût pu d’une ouverture à l’autre se toucher
la main.
    Nous ayant non point prié, mais
commandé, de sa voix de basse, de nous asseoir, la vieille se retira, non sans
darder sur nous un méchant regard, comme si elle nous soupçonnait, en son
absence, de vouloir emporter la table, laquelle, à vrai dire, ne valait même
pas le larcin.
    La décrépite s’en étant ainsi allée,
les murs mêmes de cette salle nous parurent si méfiants que nous nous tînmes
cois et immobiles jusqu’à ce que le Chancelier apparût. Ce qu’il fit sans la
pompe ni la piaffe que mettait en son logis le très illustre Sanche, mais pour
ainsi dire en tapinois, se glissant doucement, et de côté, dans la pièce, comme
s’il eût peur d’user l’air par un déplacement trop brutal. Puis, mettant entre
lui et nous la largeur de sa table, il resta debout, les bras croisés,
silencieux, fort occupé, non point à m’envisager mais à me dévisager, comme
s’il eût voulu de son scalpel découper ma face en fragments pour les étudier
sous la loupe. À vrai dire, je le regardais aussi, ne l’ayant vu d’aussi près,
ni à ses cours d’été ni en son Jeu de Paume et le trouvant, en sa terrestre apparence,
assez terrifiant.
    Le Chancelier Saporta avait le chef
coiffé de son bonnet carré de Docteur – que toutefois, je gage, il devait
quitter pour dormir –, la face maigre, dure et osseuse, le poil aile de
corbeau, l’œil noir enfoncé dans l’orbite, et pointu, vrilleur, insoutenable,
le nez long et menaçant, deux profondes, amères et méprisantes rides de chaque
côté de la bouche, lesquelles se perdaient dans son épaisse barbe noire.
    Et pour moi, je fus d’autant plus
troublé de lui trouver la mine atrabilaire et tyrannique, que j’allais lui
demander, comme l’avait commandé le bon Rondelet avant son département, de me
parrainer pour la durée de mes études. Havre de Grâce ! Quel père j’allais
me donner, en guise et place de mon père naturel, lequel, sauf en ses colères,
était si aimable et si tendre !
    Nous nous étions levés quand le
Chancelier s’était glissé en sa salle, et Fogacer et moi l’avions, l’un après
l’autre, salué en latin – salutations auxquelles il ne répondit pas un
traître mot, mais nous laissant debout après la longue et minutieuse inspection
qu’il fit de mon visage, il s’assit sans nous prier d’en faire autant. Puis,
sans cesser de me tenir dans les pinces de son regard, il me dit en latin sur
le ton le plus bref :
    — Apprends-moi qui tu es et ce
que tu désires. Parle en très peu de mots. J’ai peu de temps.
    — Monsieur le Chancelier, je
suis Pierre de Siorac, dis-je, sachant bien qu’en me nommant je ne lui
apprenais rien et fort étonné qu’il mît des formes si rudes à notre entretien.
Je désire que vous consentiez à être mon père pour la durée de mes études.
    — As-tu reçu ton
inscription ?
    — Non, Monsieur le Chancelier.
    — Je ne peux donc être ton
père, dit-il d’un ton bref et sans réplique.
    Un silence suivit, fort
insupportable pour moi et que, voyant mon trouble, Fogacer rompit.
    — Peux-je parler. Monsieur le
Chancelier ? dit-il d’un ton humble qui, chez lui, ne laissa pas de
m’étonner.
    — Tu le peux.
    — J’ai instruit Pierre de
Siorac en logique et en philosophie, et en ces matières, il est digne d’entrer.
    — Je ne peux le déclarer tel
sans de ta main un écrit.
    — Je ferai cet écrit.
    — Ni sans que Siorac ait été
sur ses connaissances médicales examiné par un des quatre professeurs

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