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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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la face sérieuse, nous sommes en août ! Et en août, la lune
n’est point folle comme en mars ; mais amoureuse à la folie, et ne rêvant
que de courir l’aiguillette et de débragueter les droles qui lui agréent. Et
c’est pourquoi, me trouvant ce soir dans une grande mélancolie, je suis venu
sur ce toit dans l’espoir de l’accommoder.
    Ce disant, j’allai me coucher sur le
bord dextre de ma paillasse, laissant libre le bord senestre, comme si
j’attendais, en effet, une compagne de nuit.
    — Doux Jésus ! s’écria la
Fontanette. Est-ce vrai, que vous êtes plongé en la malenconie  ?
(C’est ainsi que l’on prononce le mot dans le parler de Montpellier.) Et est-il
Dieu possible que la lune va venir céans vous mignonner et être mignonnée de
vous ?
    Et ce disant, s’asseyant sur le bord
senestre de la paillasse, elle plaça sa main potelée sur la toile qui la
recouvrait et la tâta.
    — Mais je ne sens rien !
    — C’est que la lune n’envoie
encore que ses rayons pour me caresser, mais bientôt elle sera là en personne,
fraîche et dorée, et ayant pris la forme de la plus belle mignote qu’on vit
oncques à Montpellier.
    À quoi, ma Fontanette arrondit fort
les yeux.
    — Mais c’est là, s’écria-t-elle
en se signant, impiété vilaine et magie diabolique ! Et avec tout mon
respect et mon amitié, moussu, je m’ensauve !
    Je la retins incontinent par le
bras.
    — Coquefredouille ! dis-je.
Fi de tes sottes terreurs ! La lune est chrétienne, comme toi et
moi ! Sans cela, Dieu l’aurait-il accrochée à son firmament, quand il a
créé le monde ? Se serait-il accommodé si longtemps d’une lune impie ou
payenne, lui qui peut tout ?
    — Quand même, dit-elle,
rassurée mais à demi, je me pense que ce n’est pas bien quand la lune, se
décrochant, va remplaçant les pauvres drolettes de ce monde en leurs fonctions
et plaisirs… Et si vous êtes, moussu, dans votre malenconie, n’avez-vous point
une femme terrestre pour vous conforter ? On dit que vous êtes fort avant
dans les grâces de la Thomassine.
    À cela, que je n’attendais pas, et
pris sans vert, je restai le bec cloué. Cependant, je la tenais toujours par le
bras, qui était ferme et frais, et ne sachant à la fin que répliquer, je
poussai un profond soupir.
    — Vous soupirez, dit-elle,
émue. Qu’ai-je dit de mal ? Vous aurais-je embufé ?
    — Nenni, Fontanette, dis-je en
levant les yeux. J’envisage la lune et je sais maintenant qu’elle ne viendra
pas, ayant trouvé provende ailleurs, et que je vais rester céans, seul et nu,
et désaimé de tous.
    — Ha, moussu ! Ne dites
point cela ! Vous êtes choyé céans. Non certes que vous soyez aussi joli
drole que votre frère Samson, mais il est si rêveux qu’il sait à peine s’il est
là. Et là vous êtes, et bien là, vif, gaillard, et jouant à ravir du plat de la
langue pour leurrer les pauvrettes avec des contes de lune…
    — Ha, Fontanette ! dis-je,
parlant du clos du cœur, sans plus babiller ni me gausser. Je ne te leurre
point. Je t’aime de grande amitié et j’ai de toi un appétit que tu ne peux
imaginer.
    — Ha que si !
s’écria-t-elle, ses yeux vifs luisant sous la clarté douce de la lune. Ha, que
si, je l’imagine, puisque j’ai le même ! Et bien strident ! Depuis
que vous êtes céans, moussu, et par le pensement que j’ai de vous, chaque nuit
que le diable fait, je me tourne et me retourne mille et mille fois dans mon
sommeil, et quelle bordailla est mon lit à force d’entortiller mes draps !
Sainte mère du ciel, que de fièvres, que de soupirs, et que de
remuements !
    Ceci fut dit avec tant de simplicité
que je fus tout atendrézi de la voir si naïve, et démantelant de soi ses
bastions et défenses. Et combien que je fusse alors tenté de la prendre dans
mes bras et de la coucher à la place que, sur ma paillasse, j’avais réservée à
la lune, je ne le fis pas, du moins je ne le fis pas encore, tant le cœur me
serrait de la voir si désarmée, et regrettant tous les contes que je lui avais
faits et auxquels elle avait cru sans y croire, bravette fille qu’elle était,
et si jolie, et si proprette, le cheveu noir dénoué sur ses épaules rondes que
découvrait jusqu’aux tétins pommelants le col de sa chemise.
    — Moussu, dit-elle avec son
accent de Montpellier plus chantant que notre périgordin, et que j’aimais comme
musique, moussu, vous ne dites rien ?
    — Fontanette,

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