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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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conciliabuler entre
eux, l’Assemblée, j’entends en sa partie la plus jeune, était excessivement
bruyante. Les écoliers tabustaient sans gêne ni vergogne aucune, s’ébaudissant
à l’aise, mangeant pain et oignons, buvant au goulot de leurs gourdes, jouant à
la main chaude, aux dés, aux cartes, d’aucuns à pile et croix avec un écu
rogné, d’aucuns même en un coin chantant en chœur à mi-voix des chansons sales,
et d’autres échangeant des gausseries antipapistes dont l’une (qui me parut
inspirée de Rabelais) courait ainsi. Vaut-il mieux dire :
     
    C’est femme folle qui va-t-à messe ?
    Ou
    C’est femme molle de la fesse ?
     
    D’autres encore de ces turbulents
(et parmi ceux-ci un nommé Merdanson qui paraissait en autorité parmi eux,
grand diable roux assis devant moi) se retournaient et affectaient d’espincher
les novices avec un air de déprisement qui me déplaisait fort. Sur quoi Merdanson
disait, comme étonné :
    — Holà ! Mais que sont ces
marauds ? Et que font-ils céans ? À peine ont-ils face humaine !
Sont-ce des ânes ? Sont-ce des singes ? ou des apprentis
mécaniques ? Ils ont vilaine trogne et leurs pieds leur puent à raquer ( raquer voulant dire vomir dans le parler de Montpellier).
    Là-dessus, pinçant le nez, Merdanson
et ses acolytes affectaient de nous tourner le dos.
    Le Chancelier qui s’entretenait sur
l’estrade avec le Doyen Bazin parut tout soudain s’apercevoir de ces
tintamarres et tapages et, fixant sur l’Assemblée son œil noir, et sourcillant
d’un air terrible, il frappa trois coups d’un petit maillet sur la table, et le
vacarme s’apaisant quelque peu, il dit d’une voix forte :
    — Le premier écolier, fût-il
même bachelier, qui se permet d’ouvrir le bec sans mon commandement, je le fais
jeter hors de nos murs par M. le Bedeau Figairasse et de sa vie il ne remettra
les pieds céans. Je suis le Chancelier de cette École pour y faire régner
l’ordre, ET JE LE FERAI RÉGNER !
    Ceci fut non point crié, mais hurlé
avec une telle violence, accompagné d’un si fort coup de maillet et ponctué par
le bedeau Figairasse par un sifflement si menaçant de sa verge que les écoliers
incontinent s’accoisèrent. Dés, cartes, oignons et gourdes disparurent. Chansons
et gausseries rentrèrent dans les gueules. Et les diables se muèrent en
chattemites.
    — Hoho ! dit Merdanson à
voix basse à ses séides, voilà qui nous change fort de Rondelet. Ventre
Saint-Vit, mes bons enfants, nous allons beaucoup pâtir !
    Cependant, Saporta continuait à
dévisager l’Assemblée œil à œil, donnant à tout un chacun l’impression que son
regard noir le perçait jusqu’à l’os et peu à peu le silence devint si profond
que vous eussiez entendu un ver à soie se retourner dans son cocon.
    — Messieurs les Écoliers,
reprit Saporta avec un brillement insoutenable de sa pupille, je vous ferai
assavoir que les abus abominables qui avaient cours en cette école sous le
Docteur Rondelet vont être promptement rhabillés. Et pour cela je vous
ramentevois les statuts que vous avez juré l’an dernier d’observer et qui sont
restés si vilainement lettre morte. Je dis donc, je rappelle et répète que
selon lesdits statuts : primo, vous devez assister assidument aux
lectures, aux Assemblées, aux triomphes des docteurs promus, ainsi qu’aux
cavalcades qui dans la ville les célèbrent. Secundo, que vous ne devez
porter – sous peine d’exclusion – ni dans l’École, ni dans la rue du
Bout-du-Monde, ni dans les rues circonvoisines, dague, poinçon, poignard,
cotel, épieu, épée, braquemart – « Ho ! Ho ! dit Merdanson
à voix fort basse, voilà qui va trop loin, et lèse nos mignotes. » Mais de
cette saillie, personne autour de lui n’osa même sourire.
    — Et à plus forte raison,
poursuivit Saporta, pistolet, pistole, arquebuse, poitrinaire et autre bâton à
feu. Tertio, que tout écolier qui aura en cette ville bu et mangé en taverne
sans pouvoir payer son écot sera exclu de l’École. Quarto, que sera de même
exclu tout écolier vivant en vilité avec ribaude au bordeau, la soutenant dans son
péché et recevant d’elle des pécunes. Sera a fortiori exclu tout écolier
coupable de larcin, fût-ce d’une saucisse ou d’un oignon. Seront punis des
verges les écoliers qui pendant les lectures iront déambuler dans la salle,
parlant à voix haute, mangeant, buvant, tapant des pieds, jouant aux

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