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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dit d’une
voix éclatante :
    — L ’ordo lecturarum pour
l’année du Seigneur 1566 est adopté.
     
    *
    * *
     
    On eût pu croire que c’était là la
fin des traverses et péripéties qui avaient marqué la Saint-Luc. Mais ce ne fut
vrai ni pour le Chancelier Saporta, ni pour moi-même, si chétif que je fusse au
regard des grands intérêts qui s’étaient ici débattus. Plus troublé encore
qu’étonné par le spectacle que m’avaient donné les docteurs en leur ire (car si
j’étais examiné en fin d’année par le Docteur Pinarelle, devrais-je, pour lui
complaire, lâchement avancer avec Galien que l’utérus de la femme est bifide ou
oser affirmer avec Vésale son unicité ?). Et rêveux rêvassant à cela,
j’avais quelque peu musé en mes écritures et n’avais pas achevé d’écrire le
titre du livre d’Ambroise Paré (lequel d’ailleurs je connaissais bien pour
l’avoir vu dans la bibliothèque de mon père en mes enfances) quand Saporta,
toujours brusque et impérieux, me dit, debout déjà et courbé sur moi comme un
grand corbeau, le bec en avant, le dos voûté :
    — Eh bien où en
sommes-nous ?
    — Monsieur mon père, dis-je, je
finis.
    Et à peine avais-je écrit le dernier
mot que le Chancelier me prit, ou plutôt m’arracha la plume des doigts et de sa
grande écriture dont toutes les lettres se hérissaient de piques et de
hallebardes, en bas et à droite de l’ordo lecturarum, signa son nom en
cette guise :
     
    Dr Saporta
    Chancelier.
     
    Puis tendant la plume non sans un
air de supériorité et de piaffe au Doyen Bazin (lequel grinçait des dents à se
voir ainsi traité), il s’éloigna, la houppe haute, pour conciliabuler avec le
Docteur d’Assas, lequel, en dépit de ses humaines faiblesses et pour sa vigne
et pour sa chambrière, il tenait en grande estime. J’étais resté assis sur mon
escabelle devant le livre de l’École, et vis le Docteur Bazin, son corps menu
tremblant en son dépit, s’approcher la plume en main du livre et le fixant
comme vipère sa proie, réfléchir un instant sur ce qui lui convenait de faire.
Puis un brillement rusé illuminant son petit œil jaunâtre, il signa son nom de
son écriture menue et tremblée, mais le signa dans l’espace laissé vide entre l’ordo lecturarum et le nom de Saporta, le disposant de la guise qu’ici je
reproduis :
     
    Dr Bazin
    Doyen
    Dr Saporta
    Chancelier.
     
    Il montrait ainsi, de façon
éclatante que, bien que contraint de signer en second, il venait le premier
dans la hiérarchie des fonctions, les études à ses yeux ayant le pas sur le
ménagement de l’École.
    Ventre Saint-Antoine !
pensai-je, voilà qui était bien chié chanté ! Quelle invention !
Quelle chattemitesse trouvaille ! Et quel affreux carnage allions-nous
voir en ce marigot entre nos deux crocodiles !
    Pour moi, combien que j’inclinasse
dans le clos de mon cœur à raison donner au Doyen Bazin (puisqu’enfin il
s’agissait de l’ordo lecturarum qu’il avait lu, et en grande part,
lui-même composé) la fort petite amour qu’il nourrissait pour moi et la loyauté
que je devais à mon père Saporta me firent m’esquiver comme chat en maraude et,
me glissant entre ces robes noires, tirer le Chancelier par sa longue manche
pour l’avertir sotto voce du sacrilège.
    — J’y vais porter remède, dit
Saporta, la houppe redressée et ses narines blanchissant en la contention de
son ire.
    Et revenant à grands pas à la table
des Professeurs Royaux tandis que le Doyen Bazin, se pourléchant, l’œil baissé,
les babines, tendait la plume au Docteur Feynes pour qu’il signât à son tour,
Saporta saisit le livre de l’École en ses fortes mains et l’approchant de son
œil, relut avec le dernier soin l’ordo lecturarum.
    — Mon fils Siorac, dit-il
enfin, vous avez, en effet, belle et bonne écriture. Mais par malheur, en
écrivant Rhazès, vous avez omis l’h qui se trouve entre l’r et l’a. Et comme
nous ne pouvons admettre céans que le nom d’un grand maître de la médecine
arabe soit de la sorte défiguré, vous allez, dit-il, déchirant tout soudain du
livre la page que j’avais écrite, recommencer votre labour.
    À cela Merdanson et ses acolytes
s’ébaudirent à ventre déboutonné et à si grands cris et huées (m’appelant
« Pierre Rhazès de Siorac ») que Saporta dut toquer trois fois son
maillet et Figairasse faire siffler deux fois sa verge avant que ces

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