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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ne me paraît pas convenable d’admettre Vésale dans notre ordo
lecturarum pour ce qu’il a osé insulter Galien.
    — Il ne l’a pas insulté, dit
d’Assas, la voix douce et le geste caressant. Il l’a respectueusement critiqué.
    — C’est tout un ! s’écria
Pinarelle. Critiquer Galien ! Galien, un des maîtres de la médecine grecque !
Et Vésale a osé !
    — Si Galien était infaillible,
il serait Dieu lui-même, dit alors d’Assas avec son plus désarmant sourire. Et
il faut bien avouer que la méthode de Galien était fort étrange : il
disséquait des animaux et appliquait aux hommes, sans les vérifier, les
observations qu’il avait faites. C’est ainsi qu’il affirma que l’utérus de la
femme était bifide parce que celui de la lapine l’était. Vésale a corrigé cette
erreur.
    — Il m’importe fort peu !
s’écria Pinarelle d’un ton furieux. Je préfère me tromper avec Galien qu’avoir
raison avec Vésale !
    Là-dessus, l’assemblée qui jusque-là
remuait beaucoup se figea dans une profonde stupeur à laquelle succédèrent des
rires qui, s’étendant de proche en proche, gagnèrent la moitié des bancs. Un
sourcillement du Chancelier Saporta mit fin à ce désordre et dans le silence
revenu le Doyen Bazin dit de son ton le plus venimeux :
    — Docteur Pinarelle, si par
malheur vous soignez l’utérus d’une malade il ne serait pas de petite
conséquence pour elle que vous vous trompiez avec Galien.
    À cette saillie un rire énorme
secoua l’Assemblée. Même les compagnons apothicaires et les apprentis
chirurgiens s’ébaudirent, lesquels pourtant, indignes de s’asseoir, ouïssaient
debout cette chamaillerie. Pinarelle sentit à la fois, traversant son cuir, le
croc de la vipère et son cuisant venin. Il sut que de cette piqûre de Bazin il
serait long à se relever, et qu’elle allait, pendant de longs mois, bailler à
la ville de Montpellier un immense sujet de gausserie. Il blêmit de ressentiment
d’avoir été pris par le bec par le Doyen et s’accoisant, lui lança un regard si
haineux que le Chancelier Saporta comprit que Pinarelle, comme Pennedepié, et à
moins de frais encore, pouvait être gagné à sa dévotion. Je voyais bien, tandis
que je suivais tout ceci bouche bée et la plume en l’air, que si Saporta
défendait l ’ordo lecturarum du Doyen, il ne défendait en aucune façon sa
personne. Bien à rebours.
    Le rire dévergogné de l’Assemblée se
fût prolongé encore si Saporta, qui s’était bien gardé d’y prendre part,
n’avait tout soudain sourcillé, toqué son maillet sur la table, le bedeau
Figairasse coupant l’air aussitôt de sa verge.
    — Personne, dit le Chancelier
d’une voix grave et avec une feinte affectation d’équité, personne céans ne
peut mettre en cause la science et la conscience du Docteur Pinarelle. Monsieur
de Joyeuse qui lui doit la curation d’un méchant catarrhe ne me contredira pas
là-dessus, n’ayant que sa louange à la bouche. Et je voulais que cela soit dit.
Cependant, pour accommoder les scrupules du Docteur Pinarelle touchant feu
l’illustre Vésale, je dois lui apprendre ici, ce que peu de gens savent en
cette ville, que Vésale, en ses vertes années, fut écolier de notre école de
médecine de Montpellier.
    — Ha ! Mais je ne savais
pas ! s’écria Pinarelle. C’est que cela change tout !
    Et combien que cette saillie fût
peut-être plus sotte et plus naïve encore que celle qui avait valu à Pinarelle
tant de rires méchants, telle était pourtant la grande amour que tous, même les
novices, nous nourrissions pour notre école qu’elle fut sur tous les bancs
unanimement applaudie. Et Pinarelle, souriant avec gratitude au Chancelier et
jetant les yeux de tous côtés d’un air satisfait, redressa haut sa houppe
cramoisie et se tut.
    Je croyais qu’après les tempêtes et
les tumultes qui avaient agité nos docteurs ordinaires viendrait enfin la
bonace mais à peine Pinarelle était-il rentré dans le rang qu’un troisième
champion jeta son gant dans l’arène.
    — Peux-je parler, Monsieur le
Chancelier ? dit-il d’une voix forte.
    — Vous le pouvez, Docteur de la
Vérune, dit Saporta.
    Ce quidam, comme me l’apprit plus
tard Fogacer, s’appelait, en fait, la Verrue, mais n’aimant point son nom, il
l’avait changé en la Vérune. Cependant, cette transformation ne lui apportant
pas tout le plaisir qu’il en attendait, il avait ajouté plus tard

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