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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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et ces
ministres ! Bouillant de tout ce temps gaspillé, je coupai court à ce
confessionnal, en tendant au prieur le pli écrit par M me de Joyeuse
à M. de Montcalm. Ce fut un sésame, derechef.
    — Monsieur, dit le prieur, je
vous crois enfin, et je crains le pire. Si les Montcalm sont aux mains des
caïmans, ce ne sera pas une petite affaire que de les en tirer. Car ces
coupe-jarrets sont au moins au nombre d’une douzaine. Vous n’êtes que trois.
Ils connaissent le bois à merveille. Vous y serez comme des enfants perdus. Je
vais vous donner le Père Anselme et trois de nos frères, tant pour vous aider à
démêler les chemins que pour combattre avec vous. Car il y faudra du sang. Ces
misérables demandent rançon, mais dès qu’ils l’ont, ils dépêchent les otages et
le messager.
    Dès que nous fûmes à cheval,
j’envisageai fort curieusement ces moines que l’abbaye dépêchait pour la
délivrance de M. de Montcalm et, à mon grand contentement, ne leur trouvai rien
de cafard ni de cagot. Ils avaient, à ce que je crus observer, revêtu sous leur
froc une cotte de mailles, portaient à leur ceinture une grande épée, et dans
le dos un bouclier rond armé en son milieu d’une forte pointe qui permettait,
tout en parant, de frapper d’estoc. Mais le plus merveilleux fut pour moi les
arbalètes qu’ils arboraient, lesquelles dataient peut-être de la fondation de
l’abbaye, tant vieilles elles me parurent, mais cependant bien huilées et
graissées.
    Je vins me mettre au botte à botte
avec le Père Anselme et l’envisageai de côté, de mon mieux le jaugeant. Il
était gros et non point mol, sa grosseur annonçant beaucoup de force, son
cheveu noir ras comme chaume après moisson, le nez grand, le menton saillant,
les joues tannées comme cuir par le soleil : un maître moine, plus
accoutumé à la chasse qu’à égrener sans fin des patenôtres, et point chattemite
non plus, à ce qu’il m’apparut.
    — Monsieur, dit le Père Anselme
en tournant carrément vers moi sa grosse tête et sur le ton de la gausserie
paysanne, m’avez-vous assez envisagé ? Ma mine vous agrée-t-elle ?
    — Oui-da ! dis-je en
souriant.
    — J’en suis bien aise. À
donneur donnant : j’aime assez la vôtre.
    — Tant est pourtant que je suis
huguenot.
    — Peu me chaut. À qui se bat
avec moi, je ne requiers pas billet de confession. D’autant que vous défendez
avec nous l’abbaye.
    — Comment cela ?
    — Mon fils, dit le Père
Anselme, une petite gausserie se jouant derechef dans son œil brun, si M. de
Montcalm est occis, ces vaunéants prendront le château et, le château pris, qui
les en délogera, en ces temps de guerre civile où les bons sujets du Roi sont
si occupés à se couper la gorge ? Or, oyez-moi bien : le château dans
leurs mains, le village de Barbentane est à eux. Et à l’autre bout du bois, les
voilà courant sus à l’abbaye pour la prendre et piller.
    — Voilà qui est bien raisonné,
dis-je, et encore que je n’aie en vue que le salut des Montcalm, vous me voyez
fort aise d’être, du même coup, un si bon catholique !
    À quoi, le maître moine rit à gueule
bec, ayant l’humeur fort enjouée, même à deux doigts de se battre.
    — Père Anselme, dis-je, vous
avez bonne épée et rondache. Mais ne voulez-vous pas un de nos pistolets, pour
le combat lointain ?
    — Nenni. Nous avons nos
arbalètes et nous les prisons bien au-dessus des bâtons à feu.
    Aimant assez ce moine, je lui eusse
parlé plus avant s’il ne m’avait fait signe, de sa main, de m’accoiser.
Quittant alors le sentier, il s’enfonça dans le sous-bois, moi à sa suite, et
les autres, à la mienne. Et en effet, à écouter à doubles oreilles, j’entendis
fort loin, dans le sentier que nous suivions, et fort faiblement, un bruit
sourd de sabots de cheval, ou de chevaux, je n’aurais su trancher. Au bout d’un
moment, la main toujours levée, Père Anselme me dit, me laissant béant de sa
fine ouïe, grand chasseur qu’il était sans doute :
    — Ils sont trois, et l’un des
trois est Antonio. Je reconnais le trot de sa jument.
    Et c’était Antonio, en effet, suivi
de deux grands valets armés jusqu’aux dents et qui paraissaient aussi résolus à
en découdre que le majordome, lequel, pour être sec, noir et tordu, n’était
point petit adversaire, à en juger par son œil flamboyant. Car il était fort
courroux que les caïmans lui eussent enlevé son maître à son

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