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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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coup de pique, que mon corselet dévia sur mon épaule gauche, et tomba
à son tour, Miroul, de la porte, le clouant au mur de son cotel. Pour moi, je
sentis un coup de poing dans le gras de l’épaule, et rien de plus.
    M. de Montcalm gisait, lié par les
deux mains à un pied de table, la face pâle mais fort calme, et le Père
Anselme, survenant, trancha ses liens de son coutelas, tandis que Miroul et
moi, nous tâchâmes de délier les demoiselles. Étrangement, le premier mot de M.
de Montcalm fut non point pour son épouse, mais pour sa fille, dont je tâchai
de rompre les liens.
    — Angelina, es-tu sauve ?
    — Monsieur mon père, je le
suis, dit Angelina d’une voix légère et chantante, qui me fit l’effet d’une
délicieuse musique, après les hurlades des caïmans et celles que les moines
avaient poussées, sans compter les miennes que je n’avais même pas ouïes dans
le chaud du moment.
    — Mais, monsieur, dit Angelina,
dont la face était fort près de la mienne tandis que je la déliais. Vous êtes
navré ! Vous saignez !
    — Ce n’est rien, dis-je, ne
sentant encore d’autre douleur que le toquement que j’avais reçu, et fort
étonné du regard extraordinairement doux d’Angelina.
    — Mais monsieur ! dit-elle
encore en se levant. Vous êtes navré ! Votre sang coule !
    Et envisageant à ce moment mon bras
senestre et voyant rouge de bas en haut la manche de mon pourpoint, je sentis
pour la première fois et tout ensemble pâtiment et faiblesse, et le cœur me
faillant tout soudain, je serais tombé si Angelina ne m’avait soutenu. Mais
Père Anselme, m’allongeant sur la table et me faisant boire de l’esprit-de-vin
de sa gourde, sur ma prière en arrosa la plaie, ce qui ne fut pas plaisant,
avant que le Père me pansât, aidé de Samson, et celui-là plutôt mal que bien,
les larmes l’aveuglant à m’envisager en cet état.
    Je me ramentevois à peine comment je
me pus hisser à cheval et gagner le château de Barbentane, tant j’avais peu mes
esprits. Dès que je fus au lit, M. de Montcalm manda un médecin, mais je
renvoyai cet ignoramus qui voulait me saigner, comme si je n’avais pas perdu
assez de sang ! Et en outre, me purger, comme s’il cuidait que pour guérir
mon bras, il me fallait vider mon intestin ! Là-dessus, apprenant qu’il y
avait à Beaucaire un barbier chirurgien qui avait appris son état sous Ambroise
Paré, je demandai à M. de Montcalm de le quérir. Et le barbier fit fort bien,
en effet, se contentant de nettoyer ma plaie à l’esprit-de-vin, et de refaire
mon pansement et de me donner un peu d’opium pour alléger mon pâtiment.
    Le combat avait fait trois morts
parmi nous : le majordome Antonio, un des frères, et le valet qui gardait
les chevaux, et les gardait si mal qu’il fut surpris par un fuyard, lequel
s’ensauva sur le cheval d’un moine – fort mauvais choix qu’il avait fait
là de sa monture – pour ce que Miroul, sur son arabe, le rejoignit en
moins d’une heure et d’un coup de pistolet, l’abattit. Quant aux navrés dans
notre troupe, ils furent légion. Et à part Miroul et mon bien-aimé Samson,
tous, peu ou prou, eurent, en quelque partie du corps, le cuir entamé, combien
que ce fût moins grièvement que moi.
    M. de Montcalm me venait visiter
chaque matin en ma chambre et me rendait à chaque fois mille mercis pour ce que
je l’avais sauvé, et sa femme et sa fille, et celles-ci en outre non seulement
de la mort, mais du déshonneur. C’était un homme de haute taille, le sourcil
broussailleux, et de sa mine imposant assez, cependant le cœur bon, combien que
son jugement fut un peu étroit, et qu’il tînt un peu trop à son papisme, comme
je m’en aperçus à quelques mots qui lui échappèrent et qui me donnèrent à
penser qu’il m’eût aimé davantage si j’avais été de son opinion. Raison, sans
doute, pour laquelle il avait donné tant d’ombrage aux huguenots de Nismes, qui
l’eussent occis, je le crains, s’il n’avait fui à temps.
    M. de Montcalm était fort coiffé de
sa fille, laquelle était le seul enfant qui lui restât, mais se querellait
souvent avec elle, car l’un et l’autre se courrouçaient à la volée. Et l’un et
l’autre dans la disputation s’obstinant comme béliers, s’entretoquaient les
cornes sans rien céder. Ces querelles étaient, je gage, leur manière de se
témoigner la grande amour qu’ils nourrissaient l’un pour l’autre, et qu’ils
eussent

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