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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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tour mes plus aigres tracassements, lesquels me poignent,
de temps à autre, de la façon la plus griève, mais on dirait que j’ai perdu la
clef qui pourrait leur ouvrir et me libérer d’eux.
    Je crus que Père Anselme allait
presser le point davantage, mais posant la main sur mon épaule, il se contenta
de dire :
    — Ma religion est plus facile à
l’humaine faiblesse. Mais je n’en tire pas gloire. Je sais trop les abus
qu’elle a laissé champignonner sur son vaste corps. Monsieur de Siorac, votre
main. Quand nous rejoindrons nos compagnons, nous réciterons ensemble le Notre Père, puisque c’est la seule prière que les vôtres et les miens ont
en commun.
    Ce que nous fîmes, debout, en
cercle, à voix haute, en un fraternel recueillement, comme si huguenots et
papistes oubliaient les meurtreries et les bûchers qui les séparaient.
    Le Père Anselme nous commanda de
démonter à un quart de lieue du bastidou du Mont de la Mère, où les caïmans
avaient donné rendez-vous à Antonio.
    — Si je ne me trompe, l’embûche
est proche. Miroul, poursuivit-il en se tournant vers mon valet, pars en avant
la reconnaître. Tu es vif et leste à ce que j’ai vu, et tu lances fort bien le
cotel. N’attaque pas le gros, mon fils, mais si tu surprends un guetteur,
dépêche-le.
    La nuit déjà tombait quand Miroul
revint, pâle et pantelant.
    — J’ai dû occire une
sentinelle, dit-il reprenant souffle, qui m’avait découvert, et il m’en a
coûté, tout méchant gueux qu’il fût. Quant à l’embûche, elle se cache sur le
côté senestre du sentier qui mène au bastidou, et à six cents pas de nous. Il y
a là cinq marauds fort bien enterrés dans un fossé, et des branchages sur le
dos, lesquels je n’eusse pas éventés si l’un d’eux, de fatigue s’étirant, ne
s’était pas montré.
    — Miroul, dis-je, as-tu poussé
jusqu’au bastidou ?
    — Oui-da ! Ils sont là une
dizaine, se gardant peu, devant un logis en ruine où je gage que les Montcalm
sont serrés.
    — Toutefois, ils sont en
nombre, dit Père Anselme engageant un carreau dans son arme. L’affaire sera
chaude. Monsieur de Siorac, divisons-nous. Les frères et moi, nous ferons notre
affaire de l’embûche, les attaquant à la velours avec nos arbalètes sans donner
l’éveil au gros. Pendant ce temps, tournez le bastidou par le sous-bois et le
prenez à revers. Mais n’attaquez point avant que sifflent derechef nos
carreaux. Donnez-leur alors de vos pistolets. L’ours se combat mieux de loin
que de près, comme chacun sait !
    Le Père Anselme était meilleur
stratège que calculateur, car les moines étaient quatre, et cinq les caïmans de
l’embûche, et quatre d’entr’eux ayant le dos percé par les carreaux des moines,
le cinquième se leva et s’enfuit avant qu’ils n’aient retendu leurs armes.
Tirant à folles jambes vers le bastidou, le gueux passa à moins de dix pas de
nous sous le feuillage, ce que voyant Miroul, il tira son cotel de ses chausses
pour le lancer, mais par malheur, avant que j’aie pu crier gare, Antonio visa
le misérable de son arquebuse, tira et l’abattit. Le coup claqua dans le
sous-bois avec une force qui nous laissa pantois.
    — Ha, Antonio ! dis-je. Tu
as tout gâté ! La surprise est perdue ! Sus, maintenant, sus !
Et vite ! La vitesse est notre seul recours !
    Mais l’éveil, hélas, était donné, et
les gueux nous attendaient, les armes à la main. On déchargea nos pistolets,
mais ceux-ci étant vides, il fallut bien dégainer et en venir au corps à corps
avec une dizaine de gueux sanguinaires, lesquels, les moines survenant, fort
rouges de leur course, ne pouvaient même plus tirer à l’arbalète, courant le
risque de nous atteindre. Cependant, ils firent merveille de leurs épées et
rondaches, huchant de grandes hurlades tout en poussant leurs bottes, et en
terribles imprécations vouant les caïmans au diable et à l’enfer. Ceux-ci, qui
n’étaient plus que trois, voulurent nous montrer les talons, mais ressaisissant
leurs arbalètes, qu’ils avaient au sol posées, les moines abattirent deux des
fuyards. Le troisième s’ensauva, mais n’alla pas loin, comme je dirai.
    Croyant le jour gagné, et le
bastidou sans défenseurs, je m’y ruai, et vis un caïman debout, le couteau levé
sur M. de Montcalm. Je fus plus prompt, je lui perçai le col de mon épée. Mais
au même instant, un autre gueux, que je n’avais pas aperçu, me porta un
terrible

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