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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’Évêque ! Compagnons,
sus ! sus ! Expédions l’Évêque et ce gueux de Coussinal avec !
    — Nous verrons bien, dit
Coussinal, qui n’avait point la gueule aussi bien fendue que Simon, mais dont
l’œil farouchement brillait, et qui, debout devant l’Évêque, se tenait penché
en avant, le pistolet d’une main, et l’épée de l’autre.
    À ce que je vis, une dizaine de
soldats seulement tenaient pour Simon, les autres n’ayant pas trop d’appétence
ni à tuer l’Évêque, ni à se prononcer pour lui. Toutefois, parmi les premiers,
il se trouvait un quidam qui avait une arquebuse, et le voyant battre le
briquet pour allumer sa mèche, j’augurai que les choses prenaient mauvaise
tournure pour Coussinal. Soufflant alors à mes compagnons d’avoir à me soutenir
s’il en était besoin, je m’avançai, mes deux pistolets au poing, et je criai à
l’arquebusier :
    — Éteins ta mèche,
compagnon ! Ou je ferai passoire de ton morion !
    Et ce disant, je le visai. L’homme
qui, sans doute, se paonnait à Nismes de quelque adresse aux bâtons à feu,
épaula en ricanant, mais dans l’instant qu’il couchait la face dessus son
arquebuse, je tirai, et comme j’avais dit, je trouai son morion, lequel
s’arracha avec tant de force à son chef, que le malheureux se crut mort, et
lâchant arme et mèche, porta ses deux mains à sa tête comme s’il était navré.
    — Allons !
Compagnon ! criai-je. Point de grimace ! Tu es sauf ! Écrase ta
mèche du pied ! Tu n’as pas le crâne si dur que ton morion, et vois ce que
j’en ai fait !
    — Mais qu’est celui-là ?
cria Simon, cramoisi, et de colère écumant. D’où sort-il ?
    — Simon, dis-je, je sors du
logis du Capitaine Bouillargues, où il m’a dit, je le jure sur mon salut, qu’il
n’a point commandé le dépêchement de l’Évêque, et qu’il ne sait point ce que
les Messieurs là-dessus résoudront !
    — Quoi ! s’écria Simon.
Faut-il attendre plus outre avant que de s’aller coucher ! Un Évêque est
un Évêque ! Nous avons le commandement de Robert Aymée ! Cela
suffit ! Compagnons, ils ne sont que deux ! Deux traîtres achetés par
les papistes ! Tombons-leur sus ! Tue ! Tue les traîtres !
    Je me retournai alors tout soudain,
et criai :
    — À moi, mes bons
enfants !
    Et non seulement Samson, Miroul et
Anicet, mais Guillaume et Louis vinrent à nous se joindre, l’épée à la main, et
entourant l’Évêque.
    — Seigneur Évêque, dis-je à
Bernard d’Elbène qui, pendant ce temps, avait continué à genoux, priant aussi
paisiblement que dans son oratoire. Relevez-vous ! Nous allons, s’il se
peut, vous mettre en sûreté.
    Pendant que je disais, ce Simon
huchait à gueule déployée à se craquer les bronches. Et par ses cris, il avait
ameuté derrière lui, comme j’ai dit, une dizaine d’hommes, mais fort peu
résolus et fort peu enclins à précipiter l’assaut, craignant nos armes à feu.
Cependant, tandis que Simon nous criait pouilles et mort, avec un torrent
d’insultes, Anicet et Coussinal consultaient entre eux pour résoudre où mettre
l’Évêque pour qu’il fût à l’abri des furieux, et l’Évêque, les oyant, leur dit
à voix basse que le refuge le plus sûr serait la maison de Jacques de
Rochemaure, lieutenant particulier de la Sénéchaussée, pour ce qu’il avait en
son logis une porte secrète qui communiquait avec le château, où le Sénéchal
tenait encore garnison.
    — Allons-y donc sans tant
languir, dis-je. Anicet marchera en tête avec Guillaume et Louis. Et le reste,
qui est armé de pistolets, fera l’arrière-garde.
    — Moussu, dit Guillaume à mon
oreille, peux-je, avant que de départir, quérir ma picorée ?
    — Aviat ! Guillaume !
Aviat !
    Il fut de retour en un clin d’œil,
portant sous le bras sa picorée et celle de Louis, lesquelles faisaient un
assez gros paquet de vêtements, mais cependant tachés de sang, à ce que
j’observai non sans dégoût.
    Cependant, le gnome Simon hurlait
toujours à oreilles étourdies, la haine lui jaillissant des yeux, et le venin
des lèvres. Mon père disait bien, après l’affaire de la Lendrevie, qui fut mon
premier combat, quand il prétendait que ce sont toujours les plus méchants qui
font le gros d’une mutinerie, car ceux-là ne soufflent que sang, ne halètent
que guerre, ne ronflent que massacres, et à la fin, de même que le vent furieux
met en branle les ailes d’un moulin,

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