Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
dit
Caudebec avec reproche.
    — Certes, dit Frère Hyacinthe,
mais je ne peux cependant répondre à une question que vous ne voulez plus me
poser.
    — Pourquoi parler, dans ce
cas ?
    — Pour vous dire, Monsieur le
Baron, que je serais, quant à moi, merveilleusement meurtri si deux bons
chrétiens se coupaient la gorge sur une querelle de néant.
    Caudebec redressa le torse, et d’un
bloc se tourna vers le moine.
    — Une querelle de néant !
Monsieur de Siorac s’est-il donc confessé ?
    — Ne l’ai-je pas dit ?
m’écriai-je alors sur le ton le plus haut et de l’air le plus offensé. Dites ce
que vous savez, Frère Hyacinthe, puisque vous avez déjà à demi répondu.
    — Monsieur le Baron, le
peux-je ? dit Frère Hyacinthe.
    — Parle, Pâques Dieu !
hurla le Baron.
    — Monsieur de Siorac s’est hier
confessé à moi en parfaite contrition et entière humilité.
    Le coin de l’œil fixé sur Frère
Antoine pour ne rien perdre de sa déconfiture, le bon moine prononça ces mots
de la façon la plus suave, les roulant sur sa langue avec autant de délectation
que les gâteaux de la patota.
    — Monsieur de Siorac, dit
Caudebec, la face cramoisie et les yeux à terre, je vous dois des excuses de ce
méchant soupçon.
    Il me les devait mais, semblait-il,
ne me les baillait pas encore. Même en paroles, ce Caudebec n’était pas très
donnant.
    — Nenni, dis-je, faisant le
généreux. Vous ne m’en devez point, puisque le soupçon ne vient pas de vous.
    C’était l’exonérer, et lui dire en
même temps où détourner l’avalanche. Ce qu’il fit sans se faire prier. Tout
cela tomba où il fallait, et droit, et roide, et accablant.
    — Moine, dit-il en se tournant
vers Frère Antoine, combien que tu sois fier moine, impérieux, instruit, et
puissant en ton abbaye, désormais tu chevaucheras en queue de notre colonne,
seul, et méditant tes erreurs. Et Frère Hyacinthe, que tu as tant déprisé,
cheminera à ma droite et sera mon confesseur.
    La grande commodité d’un état de
moine, c’est qu’on n’y est pas tenu, comme chez les gentilshommes, de redresser
la crête sous les coups. Bien au rebours, l’humilité étant dans leur condition
une vertu, on peut s’en envelopper comme d’un manteau.
    — Monsieur le Baron, dit Frère
Antoine, tête et yeux baissés en un profond salut, j’obéirai à vos ordres,
quels qu’ils soient, en toute soumission et respect.
    Poussant alors un aussi profond
soupir que si on l’eût mis en croix, puis regardant le ciel pour le prendre à
témoin de son injuste martyre, il salua une deuxième fois le Baron, retint son
cheval et tourna bride. Je gage que dès qu’il fut seul et la face cachée par sa
capuche, ses yeux noirs crachèrent des flammes, et qu’à ces flammes on eût pu
me rôtir tout vif.
    À la réflexion, je ne voulus point
laisser Caudebec mijoter plus avant dans ses pensées, changeant la pente de ses
craintes, je lui dis :
    — Monsieur le Baron, mon père
m’a toujours dit que lorsqu’une troupe chemine sur un chemin en danger d’être
attaquée, elle doit s’éclairer et dépêcher des chevaucheurs en avant d’elle, et
sur chacun de ses flancs. Si vous jugiez bon d’envoyer deux de vos soldats sur
ces crêtes, l’un à dextre et l’autre à senestre, mon frère, mon valet Miroul et
moi-même, nous pourrions vous servir d’avant-garde.
    — Pâques Dieu ! s’écria
Caudebec. C’est pensé, cela ! Vous avez bonne jugeote pour vos jeunes
ans ! Certes, je ne m’en étonne pas ; sang vaillant ne saurait
mentir. Aussi bien aurais-je dû m’aviser de ces précautions de longtemps !
Holà, Fromont, va chevauchant cette colline, et toi, Honfleur, celle-là, et
ouvrez l’œil ! Monsieur de Siorac, vais-je dépêcher deux soldats en
avant-garde au lieu de votre petit groupe ?
    — Nenni, vous n’en auriez plus
assez pour vous garder.
    — C’est que c’est mission
périlleuse que mission d’avant-garde.
    — Vous l’eussé-je demandée si
elle ne l’était point ? dis-je en gasconnant.
    Mais à vrai dire, j’avais grand’hâte
de le laisser seul, tant je sentais qu’il n’allait pas tarder à m’en vouloir de
la disgrâce de son confesseur.
    — Peux-je cependant, repris-je,
laisser dans votre colonne notre cheval de bât et la longe à votre page ?
Elle nous embarrasserait si nous devions revenir vers vous ventre à terre.
    Il acquiesça, et ce fut avec
soulagement que je me retrouvai

Weitere Kostenlose Bücher